de factotum, qui
participera du capitaine des gardes et de l'econome; je ferai
marcher les gens, et j'aurai les clefs des portes; vous donnerez
vos ordres, c'est vrai, mais c'est a moi que vous les donnerez;
ils passeront par ma bouche pour arriver a leur destination, vous
comprenez?
-- Non, je ne comprends pas.
-- Mais vous acceptez?
-- Pardieu! oui, mon ami.
-- C'est tout ce qu'il nous faut. Merci donc et faites votre liste
d'invitations.
-- Et qui inviterai-je?
-- Tout le monde!
Chapitre CLXXXIX -- Ou il semble a l'auteur qu'il est temps d'en
revenir au vicomte de Bragelonne
Nos lecteurs ont vu dans cette histoire se derouler parallelement
les aventures de la generation nouvelle et celles de la generation
passee.
Aux uns le reflet de la gloire d'autrefois, l'experience des
choses douloureuses de ce monde. A ceux-la aussi la paix qui
envahit le coeur, et permet au sang de s'endormir autour des
cicatrices qui furent de cruelles blessures.
Aux autres les combats d'amour-propre et d'amour, les chagrins
amers et les joies ineffables: la vie au lieu de la memoire.
Si quelque variete a surgi aux yeux du lecteur dans les episodes
de ce recit, la cause en est aux fecondes nuances qui jaillissent
de cette double palette, ou deux tableaux vont se cotoyant, se
melant et harmoniant leur ton severe et leur ton joyeux.
Le repos des emotions de l'un s'y trouve au sein des emotions de
l'autre. Apres avoir raisonne avec les vieillards, on aime a
delirer avec les jeunes gens.
Aussi, quand les fils de cette histoire n'attacheraient pas
puissamment le chapitre que nous ecrivons a celui que vous venons
d'ecrire, n'en prendrions-nous pas plus de souci que Ruysdael n'en
prenait pour peindre un ciel d'automne apres avoir acheve un
printemps.
Nous engageons le lecteur a en faire autant et a reprendre Raoul
de Bragelonne a l'endroit ou notre derniere esquisse l'avait
laisse.
Ivre, epouvante, desole, ou plutot sans raison, sans volonte, sans
parti pris, il s'enfuit apres la scene dont il avait vu la fin
chez La Valliere. Le roi, Montalais, Louise, cette chambre, cette
exclusion etrange, cette douleur de Louise, cet effroi de
Montalais, ce courroux du roi, tout lui presageait un malheur.
Mais lequel?
Arrive de Londres parce qu'on lui annoncait un danger, il trouvait
du premier coup l'apparence de ce danger. N'etait-ce point assez
pour un amant? oui, certes; mais ce n'etait point assez pour un
noble
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