que, de Saint-Aignan vint enlacer Porthos et le serrer
tendrement dans ses bras.
Porthos se laissa faire avec un flegme inoui.
-- Parlez, repeta de Saint-Aignan; que demandez-vous?
-- Monsieur, dit Porthos, j'ai en bas un cheval; faites moi le
plaisir de le monter; il est excellent et ne vous jouera point de
mauvais tours.
-- Monter a cheval! pour quoi faire? demanda de Saint-Aignan avec
curiosite.
-- Mais, pour venir avec moi ou nous attend M. de Bragelonne.
-- Ah! il voudrait me parler, je le concois; avoir des details.
Helas! c'est bien delicat! Mais, en ce moment, je ne puis, le roi
m'attend.
-- Le roi attendra, dit Porthos.
-- Mais, ou donc m'attend M. de Bragelonne?
-- Aux Minimes, a Vincennes.
-- Ah ca! mais, rions-nous?
-- Je ne crois pas; moi, du moins.
Et Porthos donna a son visage la rigidite de ses lignes les plus
severes.
-- Mais les Minimes, c'est un rendez-vous d'epee, cela? Eh bien!
qu'ai-je a faire aux Minimes, alors?
Porthos tira lentement son epee.
-- Voici la mesure de l'epee de mon ami, dit-il.
-- Corbleu! Cet homme est fou! s'ecria de Saint-Aignan.
Le rouge monta aux oreilles de Porthos.
-- Monsieur, dit-il, si je n'avais pas l'honneur d'etre chez vous,
et de servir les interets de M. de Bragelonne, je vous jetterais
par votre fenetre! Ce sera partie remise, et vous ne perdrez rien
pour attendre. Venez-vous aux Minimes, monsieur?
-- Eh!...
-- Y venez-vous de bonne volonte?
-- Mais...
-- Je vous y porte si vous n'y venez pas! Prenez garde!
-- Basque! s'ecria M. de Saint-Aignan.
-- Le roi appelle M. le comte, dit Basque.
-- C'est different, dit Porthos; le service du roi avant tout.
Nous attendrons la jusqu'a ce soir, monsieur.
Et, saluant de Saint-Aignan avec sa courtoisie ordinaire, Porthos
sortit, enchante d'avoir arrange encore une affaire.
De Saint-Aignan le regarda sortir; puis, repassant a la hate son
habit et sa veste, il courut en reparant le desordre de sa
toilette, et disant:
-- Aux Minimes!... aux Minimes!... Nous verrons comment le roi va
prendre ce cartel-la. Il est bien pour lui, pardieu!
Chapitre CXCV -- Rivaux politiques
Le roi, apres cette promenade si fertile pour Apollon, et dans
laquelle chacun payait son tribut aux Muses, comme disaient les
poetes de l'epoque, le roi trouva chez lui M. Fouquet qui
l'attendait.
Derriere le roi venait M. Colbert, qui l'avait pris dans un
corridor comme s'il l'eut atten
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