que nous ferons pour aller jouir de la fete que nous
donne M. le surintendant a Vaux. Ah! de Saint-Aignan, tu vas enfin
voir une fete pres de laquelle nos divertissements de
Fontainebleau seront des jeux de robins.
-- A Vaux! le surintendant donne une fete a Votre Majeste, et a
Vaux, rien que cela?
-- Rien que cela! Je te trouve charmant de faire le dedaigneux.
Sais-tu, toi qui fais le dedaigneux, que, lorsqu'on saura que
M. Fouquet me recoit a Vaux, de dimanche en huit, sais-tu que l'on
s'egorgera pour etre invite a cette fete? Je te le repete donc, de
Saint-Aignan, tu seras du voyage.
-- Oui, si, d'ici la, je n'en ai pas fait un autre plus long et
moins agreable.
-- Lequel?
-- Celui de Styx, Sire.
-- Fi! dit Louis XIV en riant.
-- Non, serieusement, Sire, repondit de Saint-Aignan. J'y suis
convie, et de facon, en verite, a ne pas trop savoir de quelle
maniere m'y prendre pour refuser.
-- Je ne te comprends pas, mon cher. Je sais que tu es en verve
poetique; mais tache de ne pas tomber d'Apollon en Phebus.
-- Eh bien! donc, si Votre Majeste daigne m'ecouter je ne mettrai
pas plus longtemps l'esprit de mon roi a la torture.
-- Parle.
-- Le roi connait-il M. le baron du Vallon?
-- Oui, pardieu! un bon serviteur du roi mon pere, et un beau
convive, ma foi! Car c'est de celui qui a dine avec nous a
Fontainebleau que tu veux parler?
-- Precisement. Mais Votre Majeste a oublie d'ajouter a ses
qualites: un aimable tueur de gens.
-- Comment! il veut te tuer, M. du Vallon.
-- Ou me faire tuer, ce qui est tout un.
-- Oh! par exemple!
-- Ne riez pas, Sire, je ne dis rien qui soit au-dessous de la
verite.
-- Et tu dis qu'il veut te faire tuer?
-- C'est son idee pour le moment, a ce digne gentilhomme.
-- Sois tranquille, je te defendrai, s'il a tort.
-- Ah! il y a un _si._
-- Sans doute. Voyons, reponds comme s'il s'agissait d'un autre,
mon pauvre de Saint-Aignan; a-t-il tort ou raison?
-- Votre Majeste va en juger.
-- Que lui as-tu fait?
-- Oh! a lui, rien; mais il parait que j'ai fait a un de ses amis.
-- C'est tout comme; et, son ami, est-ce un des quatre fameux?
-- Non, c'est le fils d'un des quatre fameux, voila tout.
-- Qu'as-tu fait a ce fils? Voyons.
-- Dame! j'ai aide quelqu'un a lui prendre sa maitresse.
-- Et tu avoues cela?
-- Il faut bien que je l'avoue, puisque c'est vrai.
-- En ce cas, tu as tort.
-- Ah! j'ai tort?
-- Oui, et, ma foi,
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