gne la lettre que
j'ecris.
-- Faites, monsieur.
Raoul avait deja tire ses tablettes et trace rapidement ces mots
sur une feuille blanche:
"Monsieur le comte,
"Ne vous etonnez pas de trouver ici ce papier signe de moi, avant
qu'un de mes amis, que j'enverrai tantot chez vous ait eu
l'honneur de vous expliquer l'objet de ma visite.
"Vicomte Raoul de Bragelonne."
Il roula cette feuille, la glissa dans la serrure de la porte qui
communiquait a la chambre des deux amants, et, bien assure que ce
papier etait tellement visible que de Saint-Aignan le devait voir
en rentrant, il rejoignit la princesse, arrivee deja au haut de
l'escalier.
Sur le palier, ils se separerent: Raoul affectant de remercier Son
Altesse, Henriette plaignant ou faisant semblant de plaindre de
tout son coeur le malheureux qu'elle venait de condamner a un
aussi horrible supplice.
-- Oh! dit-elle en le voyant s'eloigner pale et l'oeil injecte de
sang; oh! si j'avais su, j'aurais cache la verite a ce pauvre
jeune homme.
Chapitre CXCIII -- La methode de Porthos
La multiplicite des personnages que nous avons introduits dans
cette longue histoire fait que chacun est oblige de ne paraitre
qu'a son tour et selon les exigences du recit. Il en resulte que
nos lecteurs n'ont pas eu l'occasion de se retrouver avec notre
ami Porthos depuis son retour de Fontainebleau.
Les honneurs qu'il avait recus du roi n'avaient point change le
caractere placide et affectueux du respectable seigneur;
seulement, il redressait la tete plus que de coutume, et quelque
chose de majestueux se revelait dans son maintien, depuis qu'il
avait recu la faveur de diner a la table du roi. La salle a manger
de Sa Majeste avait produit un certain effet sur Porthos. Le
seigneur de Bracieux et de Pierrefonds aimait a se rappeler que,
durant ce diner memorable, force serviteurs et bon nombre
d'officiers, se trouvant derriere les convives, donnaient bon air
au repas et meublaient la piece.
Porthos se promit de conferer a M. Mouston une dignite quelconque,
d'etablir une hierarchie dans le reste de ses gens, et de se creer
une maison militaire; ce qui n'etait pas insolite parmi les grands
capitaines, attendu que, dans le precedent siecle, on remarquait
ce luxe chez MM. de Treville, de Schomberg, de La Vieuville, sans
parler de MM. de Richelieu, de Conde, et de Bouillon-Turenne.
Lui, Porthos, ami du roi et de M. Fouquet baron, ingenieur, etc.,
pourquoi ne jouirait-il
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