-- J'y vole...
-- Et obtenez du surintendant une entrevue.
-- Oui, monseigneur.
-- Soyez facile aux concessions.
-- Oui.
-- Et les arrangements une fois pris?...
-- Je me hate de le faire signer.
-- Gardez-vous-en bien!... Ne parlez jamais de signature avec
M. Fouquet, ni de dedit, ni meme de parole, entendez-vous? vous
perdriez tout!
-- Eh bien! alors, monseigneur, que faire? C'est trop difficile...
-- Tachez seulement que M. Fouquet vous touche dans la main...
Allez!
Chapitre CLXXXII -- Chez la reine mere
La reine mere etait dans sa chambre a coucher au Palais-Royal avec
Mme de Motteville et la _senora_ Molina. Le roi, attendu jusqu'au
soir, n'avait pas paru; la reine, tout impatiente, avait envoye
chercher souvent de ses nouvelles.
Le temps semblait etre a l'orage. Les courtisans et les dames
s'evitaient dans les antichambres et les corridors pour ne point
se parler de sujets compromettants.
Monsieur avait joint le roi des le matin pour une partie de
chasse.
Madame demeurait chez elle, boudant tout le monde.
Quant a la reine mere, apres avoir fait ses prieres en latin, elle
causait menage avec ses deux amies en pur castillan.
Mme de Motteville, qui comprenait admirablement cette langue,
repondait en francais.
Lorsque les trois dames eurent epuise toutes les formules de la
dissimulation et de la politesse pour en arriver a dire que la
conduite du roi faisait mourir de chagrin la reine, la reine mere
et toute sa parente, lorsqu'on eut, en termes choisis, fulmine
toutes les imprecations contre Mlle de La Valliere, la reine mere
termina les recriminations par ces mots pleins de sa pensee et de
son caractere:
-- _Estos hijos!_ dit-elle a Molina.
C'est-a-dire: "Ces enfants!"
Mot profond dans la bouche d'une mere; mot terrible dans la bouche
d'une reine qui, comme Anne d'Autriche, celait de si singuliers
secrets dans son ame assombrie.
-- Oui, repliqua Molina, ces enfants! a qui toute mere se
sacrifie.
-- A qui, repliqua la reine, une mere a tout sacrifie.
Et elle n'acheva pas sa phrase. Il lui sembla, quand elle leva les
yeux vers le portrait en pied du pale Louis XIII, que son epoux
laissait une fois encore la lumiere monter a ses yeux ternes, le
courroux gonfler ses narines de toile. Le portrait s'animait; il
ne parlait pas, il menacait. Un profond silence succeda aux
dernieres paroles de la reine. La Molina se mit a fourrager les
rubans et les dentelles d'un
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