-- Allons, bien; echauffez-vous maintenant la tete pour
Buckingham. Il parait que vous voulez me faire damner aujourd'hui.
En ce moment, on gratta a la porte.
-- Qui se permet de nous deranger? s'ecria Charles avec
impatience.
-- En verite, Sire, dit Stewart, voila un _qui se permet_ de la
plus supreme fatuite, et, pour vous en punir...
Elle alla elle-meme ouvrir la porte.
-- Ah! c'est un messager de France, dit miss Stewart.
-- Un messager de France! s'ecria Charles; de ma soeur peut-etre?
-- Oui, Sire, dit l'huissier, et messager extraordinaire.
-- Entrez, entrez, dit Charles.
Le courrier entra.
-- Vous avez une lettre de Mme la duchesse d'Orleans? demanda le
roi.
-- Oui, Sire, repondit le courrier, et tellement pressee, que j'ai
mis vingt-six heures seulement pour l'apporter a Votre Majeste, et
encore ai-je perdu trois quarts d'heure a Calais.
-- On reconnaitra ce zele, dit le roi.
Et il ouvrit la lettre.
Puis, se prenant a rire aux eclats:
-- En verite, s'ecria-t-il, je n'y comprends plus rien.
Et il relut la lettre une seconde fois.
Miss Stewart affectait un maintien plein de reserve, et contenait
son ardente curiosite.
-- Francis, dit le roi a son valet, que l'on fasse rafraichir et
coucher ce brave garcon, et que, demain, en se reveillant, il
trouve a son chevet un petit sac de cinquante louis.
-- Sire!
-- Va, mon ami, va! Ma soeur avait bien raison de te recommander
la diligence; c'est presse.
Et il se remit a rire plus fort que jamais.
Le messager, le valet de chambre et miss Stewart elle-meme ne
savaient quelle contenance garder.
-- Ah! fit le roi en se renversant sur son fauteuil, et quand je
pense que tu as creve... combien de chevaux?
-- Deux.
-- Deux chevaux pour apporter cette nouvelle! C'est bien; va, mon
ami, va.
Le courrier sortit avec le valet de chambre.
Charles II alla a la fenetre qu'il ouvrit, et, se penchant au-
dehors:
-- Duc! cria-t-il, duc de Buckingham, mon cher Buckingham, venez!
Le duc se hata d'accourir; mais, arrive au seuil de la porte, et
apercevant miss Stewart, il hesita a entrer.
-- Viens donc, et ferme la porte, duc.
Le duc obeit, et, voyant le roi de si joyeuse humeur, s'approcha
en souriant.
-- Eh bien! mon cher duc, ou en es-tu avec ton Francais?
-- Mais j'en suis, de son cote, au plus pur desespoir, Sire.
-- Et pourquoi?
-- Parce que cette adorable miss Graffton veut l'epouser, et qu'il
ne veut
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