etteur d'intrigues que je
connaisse; elle a fait battre deux amis, elle a fait parler d'elle
en termes si honteux, que toute la Cour fronce le sourcil au seul
bruit de son nom.
-- Elle? elle? dit le roi.
-- Sous cette enveloppe si douce et si hypocrite, continua Madame,
elle cache un esprit plein de ruse et de noirceur.
-- Elle?
-- Vous pouvez vous y trompez, Sire; mais, moi, je la connais:
elle est capable d'exciter a la guerre les meilleurs parents et
les plus intimes amis. Voyez deja ce qu'elle seme de discorde
entre nous.
-- Je vous proteste... dit le roi.
-- Sire, examinez bien ceci: nous vivions en bonne intelligence,
et, par ses rapports, ses plaintes artificieuses, elle a indispose
Votre Majeste contre moi.
-- Je jure, dit le roi, que jamais une parole amere n'est sortie
de ses levres; je jure que, meme dans mes emportements, elle ne
m'a laisse menacer personne; je jure que vous n'avez pas d'amie
plus devouee, plus respectueuse.
-- D'amie? dit Madame avec une expression de dedain supreme.
-- Prenez garde, madame, dit le roi, vous oubliez que vous m'avez
compris, et que, des ce moment, tout s'egalise. Mlle de La
Valliere sera ce que je voudrai qu'elle soit, et demain, si je
l'entends ainsi, elle sera prete a s'asseoir sur un trone.
-- Elle n'y sera pas nee, du moins, et vous ne pourrez faire que
pour l'avenir, mais rien pour le passe.
-- Madame, j'ai ete pour vous plein de complaisance et de
civilite: ne me faites pas souvenir que je suis le maitre.
-- Sire, vous me l'avez deja repete deux fois. J'ai eu l'honneur
de vous dire que je m'inclinais.
-- Alors, voulez-vous m'accorder que Mlle de La Valliere rentre
chez vous?
-- A quoi bon, Sire, puisque vous avez un trone a lui donner? Je
suis trop peu pour proteger une telle puissance.
-- Treve de cet esprit mechant et dedaigneux. Accordez-moi sa
grace.
-- Jamais!
-- Vous me poussez a la guerre dans ma famille?
-- J'ai ma famille aussi, ou je me refugierai.
-- Est-ce une menace, et vous oublierez-vous a ce point? Croyez-
vous que, si vous poussiez jusque-la l'offense, vos parents vous
soutiendraient?
-- J'espere, Sire, que vous ne me forcerez a rien qui soit indigne
de mon rang.
-- J'esperais que vous vous souviendriez de notre amitie, que vous
me traiteriez en frere.
-- Ce n'est pas vous meconnaitre pour mon frere, dit-elle, que de
refuser une injustice a Votre Majeste.
-- Une injustice?
-- Oh! Sire, si j'a
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