e que je suis certain que votre appartement doit tout
naturellement etre sous la chambre de La Valliere.
De Saint-Aignan, a ces mots, envoya a l'adresse du pauvre
Malicorne un de ces regards comme La Valliere lui en avait deja
envoye un, un quart d'heure auparavant. C'est-a-dire qu'il le crut
fou.
-- Monsieur, lui dit Malicorne, je demande a repondre a votre
pensee.
-- Comment! a ma pensee?...
-- Sans doute; vous n'avez pas compris, ce me semble parfaitement
ce que je voulais dire.
-- Je l'avoue.
-- Eh bien! vous n'ignorez pas qu'au-dessous des filles d'honneur
de Madame sont loges les gentilshommes du roi et de Monsieur.
-- Oui, puisque Manicamp, de Wardes et autres y logent.
-- Precisement. Eh bien! monsieur, admirez la singularite de la
rencontre: les deux chambres destinees a M. de Guiche sont juste
les deux chambres situees au-dessous de celles qu'occupent Mlle de
Montalais et Mlle de La Valliere.
-- Eh bien! apres?
-- Eh bien! apres... ces deux chambres sont libres, puisque
M. de Guiche, blesse, est malade a Fontainebleau.
-- Je vous jure, mon cher monsieur, que je ne devine pas.
-- Ah! si j'avais le bonheur de m'appeler de Saint-Aignan, je
devinerais tout de suite, moi.
-- Et que feriez-vous?
-- Je troquerais immediatement les chambres que j'occupe ici
contre celles que M. de Guiche n'occupe point la-bas.
-- Y pensez-vous? fit de Saint-Aignan avec dedain; abandonner le
premier poste d'honneur, le voisinage du roi, un privilege accorde
seulement aux princes de sang, aux ducs et pairs?... Mais, mon
cher monsieur de Malicorne, permettez-moi de vous dire que vous
etes fou.
-- Monsieur, repondit gravement le jeune homme, vous commettez
deux erreurs... Je m'appelle Malicorne tout court, et je ne suis
pas fou.
Puis, tirant un papier de sa poche:
-- Ecoutez ceci, dit-il; apres quoi, je vous montrerai cela.
-- J'ecoute, dit de Saint-Aignan.
-- Vous savez que Madame veille sur La Valliere comme Argus
veillait sur la nymphe Io.
-- Je le sais.
-- Vous savez que le roi a voulu, mais en vain, parler a la
prisonniere, et que ni vous ni moi n'avons reussi a lui procurer
cette fortune.
-- Vous en savez surtout quelque chose, vous, mon pauvre
Malicorne.
-- Eh bien! que supposez-vous qu'il arriverait a celui dont
l'imagination rapprocherait les deux amants?
-- Oh! le roi ne bornerait pas a peu de chose sa reconnaissance.
-- Monsieur de Saint-Aignan!...
-- Apres?
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