steront a cette
reception.
-- J'en ferai la liste... Parlons de ces ambassadeurs: que
veulent-ils?
-- Allies a l'Espagne, ils ne gagnent rien; allies avec la France,
ils perdent beaucoup.
-- Comment cela?
-- Allies avec l'Espagne, ils se voient bordes et proteges par les
possessions de leur allie; ils n'y peuvent mordre malgre leur
envie. D'Anvers a Rotterdam, il n'y a qu'un pas par l'Escaut et la
Meuse. S'ils veulent mordre au gateau espagnol, vous, Sire, le
gendre du roi d'Espagne, vous pouvez, en deux jours, aller de chez
vous a Bruxelles avec de la cavalerie. Il s'agit donc de se
brouiller assez avec vous et de vous faire assez suspecter
l'Espagne pour que vous ne vous meliez pas de ses affaires.
-- Il est bien plus simple alors, repondit le roi, de faire avec
moi une solide alliance a laquelle je gagnerais quelque chose,
tandis qu'ils y gagneraient tout?
-- Non pas; car, s'ils arrivaient, par hasard, a vous avoir pour
limitrophe, Votre Majeste n'est pas un voisin commode; jeune,
ardent, belliqueux, le roi de France peut porter de rudes coups a
la Hollande, surtout s'il s'approche d'elle.
-- Je comprends parfaitement, monsieur Colbert, et c'est bien
explique. Mais la conclusion, s'il vous plait?
-- Jamais la sagesse ne manque aux decisions de Votre Majeste.
-- Que me diront ces ambassadeurs?
-- Ils diront a Votre Majeste qu'ils desirent fortement son
alliance, et ce sera un mensonge; ils diront aux Espagnols que les
trois puissances doivent s'unir contre la prosperite de
l'Angleterre, et ce sera un mensonge; car l'alliee naturelle de
Votre Majeste, aujourd'hui, c'est l'Angleterre, qui a des
vaisseaux quand vous n'en avez pas; c'est l'Angleterre, qui peut
balancer la puissance des Hollandais dans l'Inde: c'est
l'Angleterre, enfin, pays monarchique, ou Votre Majeste a des
alliances de consanguinite.
-- Bien; mais que repondriez-vous?
-- Je repondrais, Sire, avec une moderation sans egale, que la
Hollande n'est pas parfaitement disposee pour le roi de France,
que les symptomes de l'esprit public, chez les Hollandais, sont
alarmants pour Votre Majeste, que certaines medailles ont ete
frappees avec des devises injurieuses.
-- Pour moi? s'ecria le jeune roi exalte.
-- Oh! non pas, Sire, non; injurieuses n'est pas le mot, et je me
suis trompe. Je voulais dire flatteuses outre mesure pour les
Bataves.
-- Oh! s'il en est ainsi, peu importe l'orgueil des Bataves, dit
le roi en soupirant.
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