ute l'annee; c'est un secret qu'ils
ont. Les Turcs m'y regalerent de roti; mais il n'etoit pas cuit a moitie. A
mesure que la viande se rotissoit, nous la coupions a la broche par
tranches. Nous eumes aussi du kaymac; c'est de la creme de buffle. Elle
etoit si bonne et si douce, et j'en mangeai tant que je manquai d'en
crever.
Ayant d'entrer dans le village nous vimes venir a nous un Turc de Bourse
qui etoit envoye a l'epouse de Hoyarbarach pour lui annoncer la mort de son
pere. Elle temoigna une grande douleur, et ce fut a cette occasion que
s'etant decouvert le visage, j'eus le plaisir de la voir; ce qui ne m'etoit
pas encore arrive de toute-la route. C'etoit une fort belle femme.
Il y avoit dans le lieu un esclave Bulgare renegat, qui, par affectation de
zele et pour se montrer bon Sarrasin, reprocha aux Turcs de la caravane de
me laisser aller dans leur compagnie, et dit que c'etoit un peche a eux qui
revenoient du saint pelerinage de la Mecque: en consequence ils me
notifierent qu'il falloit nous separer, et je fus oblige de me rendre a
Bourse.
Je partis donc le lendemain, une heure avant le jour, avec l'aide de Dieu
qui jusque-la m'avoit conduit; il me guida encore si bien que dans la route
je ne demandai mon chemin qu'une seule fois.
En entrant dans la ville je vis beaucoup de gens qui en sortoient pour
aller au-devant de la caravane. Tel est l'usage; les plus notables s'en
font un devoir; c'est une fete. Il y en eut meme plusieurs qui, me croyant
un des pelerins, me baiserent les mains et la robe.
En y entrant je me vis embarrasse, parce que d'abord on trouve une place
qui s'ouvre par quatre rues, et que je ne savois laquelle prendre. Dieu me
fir encore choisir la bonne, laquelle me conduisit au bazar, ou sont les
marchandises et les marchands. Je m'adressai au premier chretien que j'y
vis, et ce chretien se trouva heureusement un des espinolis de Genes,
celui-la meme pour qui Parvesin de Baruth m'avoit donne des lettres. Il fut
fort etonne de me voir, et me conduisit chez un Florentin ou je logeai avec
mon chevall. J'y restai dix jours, temps que j'employai a parcourir la
ville, conduit par les marchands, qui se firent un plaisir de me mener
par-tout eux-memes.
De toutes celles que possede le Turc, c'est la plus considerable; elle est
grande, marchande, et situee au pied et au nord du mont Olimpoa (Olympe),
d'ou descend une riviere qui la traverse et qui, se divisant en plusieurs
bras, forme comme u
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