donne a Constantinople, dans son triangle, dix-huit milles de tour, dont
un tiers est situe du cote de terre, vers le couchant. Elle a une bonne
enceinte de murailles, et surtout dans la partie qui regarde la terre.
Cette portion, qu'on dit avoir six milles d'une pointe a l'autre, a en
outre un fosse profond qui est en glacis, excepte dans un espace de deux
cents pas, a l'une de ses extremites, pres du palais appele la Blaquerne;
on assure meme que les Turcs ont failli prendre la ville par cet endroit
foible Quinze ou vingt pieds en avant du fosse est une fausse braie d'un
bon et haut mur.
Aux deux extremites de ce cote il y avoit autrefois deux beaux palais qui,
si l'on en juge par les ruines et les restes qui en subsistent encore,
etoient tres-forts. On m'a conte qu'ils ont ete abattus par un empereur
dans une circonstance ou, prisonnier du Turc, il courut risque de la vie.
Celui-ci exigeoit qu'il lui livrat Constantinople, et, en cas de refus, il
menacoit de le faire mourir. L'autre repondit qu'il preferoit la mort a la
honte d'affliger la chretiente par un si grand malheur, et qu'apres tout sa
perte ne seroit rien en comparaison de celle de la ville. Quand le Turc vit
qu'il n'avanceroit rien par cette voie, il lui proposa la liberte, a
condition que la place qui est devant Sainte-Sophie seroit abattue, ainsi
que les deux palais. Son projet etoit d'affoiblir ainsi la ville, afin
d'avoir moins de peine a la prendre. L'empereur consentit a la proposition,
et la preuve en existe encore aujourd'hui.
Constantinople est formee de diverses parties separees: de sorte qu'il y a
plus de vide que de plein. Les plus grosses caraques peuvent venir mouiller
sous ses murs, comme a Pera; elle a en outre dans son interieur un petit
havre qui peut contenir trois ou quatre galeres. Il est au midi, pres d'une
porte ou l'on voit une butte composee d'os de chretiens qui, apres la
conquete de Jerusalem et d'Acre, par Godefroi de Bouillion, revenoient par
le detroit. A mesure que les Grecs les passoient, ils les conduisoient dans
cette place, qui est eloignee et cachee, et les y egorgeoient. Tous
quoiqu'en tres-grand nombre, auroient peri ainsi, sans un page qui, ayant
trouve moyen de repasser en Asie, les avertit du danger qui les menacoit:
ils se repandirent le long de la mer Noire, et c'est d'eux, a ce qu'on
pretend, que descendent ces peuples gros chretiens (d'un christianisme
grossier) qui habitent la: Circassiens, Migrelins, (Mingrel
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