tre premiere journee fut a travers un beau pays, en remontant le long de
la Marisce, que nous passames a un bac. La seconde, quoiqu'avec bons
chemins, fut employee a traverser des bois. Enfin nous entrames dans le
pays de Macedoine. La je trouvai une grande plaine entre deux montagnes,
laquelle peut bien avoir quarante milles de large, et qui est arrosee par
la Marisce. J'y rencontrai quinze hommes et dix femmes enchaines par le
cou. C'etoient des habitans du royaume de Bosnie que des Turcs venoient
d'enlever dans une course qu'ils avoient faite. Deux d'entre eux les
menoient vendre dans Andrinople.
Peu apres j'arrivai a Pheropoly, [Footnote: C'est une erreur de copiste:
lui-meme, quelques lignes plus bas, a ecrit l'helippopoly, et en effet
c'est de Philippopoli qu'il est mention.] capitale de la Macedoine, et
batie par le roi Philippe. Elle est sur la Marisce, dans une grande plaine
et un excellent pays, ou l'on trouve toutes sortes de vivres et a bon
compte. Ce fut jadis une ville considerable, et elle l'est encore. Elle
renferme trois montagnes, dont deux sont a une extremite vers le midi, et
l'autre au centre. Sur celle-ci etoit construit un grand chateau en forme
de croissant allonge; mais il a ete detruit. On me montra l'emplacement du
palais du roi Philippe, qu'on a de meme demoli, et dont les murs subsistent
encore. Philippopoli est peuplee en grande partie de Bulgares qui tiennent
la loi Gregoise (qui suivent la religion Grecque).
Pour en sortir je passai la Marisce sur un pont, et chevauchai pendant une
journee toute entiere a travers cette plaine dont j'ai parle; elle aboutit
a une montagne longue de seize a vingt milles, et couverte de bois. Ce lieu
etoit autrefois infeste de voleurs, et tres-dangereux a passer. Le Turc a
ordonne que quiconque y habiteroit fut Franc, et en consequence il s'y est
eleve deux villages peuples de Bulgares, et dont l'un est sur les confins
de Bulgarie et de Macedoine. Je passai la nuit dans le premier.
Apres avoir traverse la montagne, on trouve une plaine de six milles de
long sur deux de large; puis une foret qui peut bien en avoir seize de
longueur; puis une autre grande plaine totalement close de montagnes, bien
peuplee de Bulgares, et ou l'on a une riviere a traverser. Enfin j'arrivai
en trois jours a une ville nommee Sophie, qui fut autrefois
tres-considerable, ainsi qu'on le voit par les debris de ses murs rases
jusqu'a terre, et qui aujourd'hui encore est la meilleure
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