n y prend beaucoup de grues et de
bistardes (outardes), et j'en vis un grand marche tout rempli; mais on les
y apprete fort malproprement, et on les mange de meme. La Teisse fournit
aussi quantite de poissons, et nulle part je n'ai vu riviere en donner
d'aussi gros.
On y trouxe egalement une grande quantite de chevaux sauvages a vendre;
mais on sait les domter et les apprivoiser, et c'est une chose curieuse a
voir. On m'a meme assure que qui en voudroit trois ou quatre mille, les
trouveroit dans la ville. Ils sont a si bon marche que pour dix florins de
Hongrie on auroit un tres-beau roussin (cheval de voyage).
L'empereur, m'a-t-on dit, avoit donne Segedin a un eveque. J'y vis ce
prelat, et me sembla homme de grosse conscience. Les cordeliers ont dans la
ville une assez belle eglise. J'y entendis le service. Ils le font un peu a
la Hongroise.
De Segedin je vins a Paele (Pest), assez bonne ville champetre sur le
Danube, vis-a-vis Bude. D'une ville a l'autre le pays continue d'etre, bon
et uni. On y trouve une quantite immense de haras de jumens, qui vivent
abandonnees a elles-memes en pleine campagne, comme les animaux sauvages;
et telle est la raison qui fait qu'on en voit tant au marche de Segedin.
A Pest je traversai le Danube et entrai dans Bude sept jours apres mon
depart de Belgrade.
Bude, la principale ville de Hongrie, est sur une hauteur beaucoup plus
longue que large. Au levant elle a le Danube, au couchant un vallon, et au
midi un palais qui commande la porte de la ville, palais qu'a commence
l'empereur, et qui, quand on l'aura fini, sera grand et fort. De ce cote,
mais hors des murs, sont de tres beaux bains chauds. Il y en a encore au
levant, le long du Danube, mais qui ne valent pas les autres.
La ville est gouvernee par des Allemands, tant pour les objets de justice
et de commerce que pour ce qui regarde les differentes professions. On y
voit beaucoup de Juifs qui parlent bien Francais, et dont plusieurs sont de
ceux qu'on a chasses de France. J'y trouvai aussi un marchand d'Arras
appele Clays Davion; il faisoit partie d'un certain nombre de gens de
metier que l'empereur Sigismond avoit amenes de France. Clays travailloit
en haute-lice. [Footnote: Sigismond, dans son voyage en France, avoit ete a
portee d'y voir nos manufactures, et specialement celles de Flandre,
renommees des-lors par leurs tapisseries. Il avoit voulu en etablir de
pareilles dans sa capitale de Hongrie, et avoit engage des ouv
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