ne fut qu'ecuyer, [Footnote: Qui n'etoit pas encore chevalier.] etoit
chambellan et garde des joyaux de mondit seigneur d'Autriche, vint de sa
part me prendre pour me les montrer. Il me fit voir la couronne de Boheme,
qui a d'assez belles pierreries, et entr'autres un rubis, le plus
considerable que j'aie vu. Il m'a paru plus gros qu'une grosse datte; mais
il n'est point net, et offre quelques cavites dans le fond desquelles on
apercoit des taches noires.
De la ledit garde me mena voir les waguebonnes, [Footnote: Waguebonne,
sorte de chariot ou de tour ambulante pour les combats.] que mondit
seigneur avoit fait construire pour combattre les Bohemiens. Je n'en vis
aucun qui put contenir plus de vingt hommes; mais on me dit qu'il y en
avoit un qui en porteroit trois cents, et auquel il ne falloit pour le
trainer que dix-huit chevaux.
Je trouvai a la cour monseigneur de Valse, gentil chevalier, et le plus
grand seigneur de l'Autriche apres le duc; j'y vis messire Jacques
Trousset, joli chevalier de Zoave (Souabe): mais il y en avoit un autre,
nomme le Chant, echanson ne de l'Empire, qui, ayant perdu a la bataille de
Bar un sien frere et plusieurs de ses amis, et sachant que j'etois a
monseigneur le duc, me fit epier pour savoir le jour de mon depart et me
saisir en Baviere lorsque j'y passerois. Heureusement pour moi monseigneur
d'Autriche fut instruit de son projet. Il le congedia, et me fit rester a
Vienne plus que je ne comptois, pour attendre le depart de monseigneur de
Valse et de messire Jacques, avec lesquels je partis.
Pendant mon sejour j'y vis trois de ces joutes dont j'ai parle, a petits
chevaux et a selles basses. L'une eut lieu a la cour, et les deux autres
dans les rues; mais a celles-ci, plusieurs de ceux qui furent renverses
tomberent si lourdement qu'ils se blesserent avec danger.
Mondit seigneur d'Autriche me fit offrir en secret de l'argent. Je recus
les meme offres de messire Albert et de messire Robert Daurestof, grand
seigneur du pays, lequel, l'annee d'auparavant, etoit alle en Flandre
deguise, et y avoit vu mondit seigneur le duc, dont il disoit beaucoup de
bien. Enfin j'en recus de tresvives d'un poursuivant Breton-bretonnant
(Bas-Breton) nomme Toutseul, qui, apres avoir ete au service de l'amiral
d'Espagne, etoit a celui de mondit seigneur d'Autriche. Ce Breton venoit
tous les jours me chercher pour aller a la messe, et il m'accompagnoit
par-tout ou je voulois aller. Persuade que j'avois du
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