bataille, et l'on tachera de se tenir serre de
maniere a ne point se laisser entamer. Au reste, cette ordonnance me paroit
d'autant plus facile a garder qu'ils ne sont point assez bien armes pour
former une colonne capable par son poids d'une forte impulsion. Leurs
lances ne valent rien. Ce qu'ils ont de mieux ce sont leurs archers, et ces
archers ne tirent ni aussi loin ni aussi fort que les notres.
Ils ont aussi une cavalerie beaucoup plus nombreuse; et leurs chevaux,
quoique inferieurs en force aux notres, quoique moins capables de porter de
lourds fardeaux, courent mieux, escarmouchent plus long-temps et ont plus
d'haleine. C'est une raison de plus pour se tenir toujours bien serre,
toujours bien en ordre.
Si l'on suit constamment cette methode ils seront forces, ou de combattre
avec desavantage, et par consequent de tout risquer, ou de faire retraite
devant l'armee. Dans le cas ou ils prendroient ce dernier parti, on mettra
de la cavalerie a leurs trousses; mais il faudra qu'elle ne marche jamais
qu'en bonne ordonnance, et toujours prete a combattre et a les bien
recevoir s'ils reviennent sur leurs pas. Avec cette conduite il n'est point
douteux qu'on ne les batte toujours. En suivant le contraire, ce seront eux
qui nous battront, comme il est toujours arrive.
On me dira peut-etre que rester ainsi en presence et sur la defensive
vis-a-vis d'eux, seroit une honte pour nous. On me dira que, vivant de peu
et de tout ce qu'ils trouvent, ils nous affameroient bientot si nous ne
sortoins de notre fort pour aller les combattre.
Je repondrai que leur coutume n'est point de rester en place;
qu'aujourd'hui dans un endroit, demain eloignes d'une journee et demie, ils
reparoissent tout-a-coup aussi vite qu'ils ont disparu, et que, si l'on
n'est point continuellement sur ses gardes, on court de gros risques.
L'important est donc, du moment ou on les a vus, d'etre toujours en
defiance, toujours pret a monter a cheval et a se battre.
Si l'on a quelque mauvais pas a passer, on ne manquera pas d'y envoyer des
gens d'armes et des gens de trait autant que le lieu permettra d'en
recevoir pour combattre, et l'on aura grand soin qu'ils soient constamment
en bon ordre de bataille.
Jamais n'envoyez au fourrage, ce seroit autant d'hommes perdus; d'ailleurs
vous ne trouveriez plus rien aux champs. En temps de guerre les Turcs font
tout transporter dans les villes.
Avec toutes ces precautions, la conquete de la Grece [Footnote:
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