et tout ce qu'il lui faut pour les plaisirs de la chasse et du
vol, qu'il aime beaucoup.
Il etoit aux champs et alloit voler sur la riviere, accompagne d'une
cinquantaine de chevaux, de trois de ses enfans et d'un Turc qui, de la
part du maitre, etoit venu le sommer d'envoyer a l'armee un de ses fils
avec son contingent. Independamment du tribut qu'il paie, c'est-la une des
conditions qui lui sont imposees. Toutes les fois que le seigneur lui fait
passer ses ordres, il est oblige de lui envoyer mille ou huit cents chevaux
sous le commandement de son second fils.
Il a donne a ce maitre une de ses filles en mariage, et cependant il n'y a
point de jour qu'il ne craigne de se voir enlever par lui ses Etats; j'ai
meme entendu dire qu'on en avoit voulu inspirer de l'envie a celui-ci, et
qu'il avoit repondu: "J'en tire plus que si je les possedois. Dans ce cas
je serois oblige de les donner a l'un de mes esclaves, et je n'en aurois
rien."
Les troupes qu'il levoit etoient destinees contre l'Albanie, disoit-on.
Deja il en avoit fait passer dans ce pays dix mille; et voila pourquoi il
avoit pres de lui si peu de monde a Lessere quand je l'y vis: mais cette
premiere armee avoit ete detruite. [Footnote: C'est en effet dans cette
meme annee 1433 que le celebre Scanderberg, apres etre rentre par ruse en
possession de l'Albanie, dont ses ancetres etoient souverains, commenca
contre Amurath cette guerre savante qui le couvrit de gloire et qui ternit
les dernieres annees du sultan.]
Le seigneur despote est un grand et bel homme de cinquante-huit a soixante
ans; il a cinq enfans, trois garcons et deux filles. Des garcons, l'un a
vingt ans, l'autre quatorze, et tous trois sont, comme leurs pere, d'un
exterieur tres-agreable. Quant aux filles, l'une est mariee au Turc,
l'autre au comte de Seil; mais je ne les ai point vues, et ne puis rien en
dire. [Footnote: Le despote dont il s'agit se nommoit George Brancovitz ou
Wikovitz. On trouve dans Ducange (Familiae Bisant p. 336) quelques details
sur lui et sa famille.]
Lorsque nous le rencontrames aux champs, ainsi que je l'ai dit,
l'ambassadeur et moi nous lui primes la main et je la lui baisai, parce que
tel est l'usage. Le lendemain nous allames le saluer chez lui. Sa cour,
assez nombreuse, etoit composee de tres-beaux hommes qui portent longs
cheveux et longue barbe, vu qu'ils sont de la religion Grecque. Il y avoit
dans la ville un eveque et un maitre (docteur) en theologie, qui se
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