; mais ils ne les font boire qu'a midi, puis l'apres-diner, toutes
les fois qu'ils trouvent de l'eau, et le soir quand ils logent ou campent;
car ils campent toujours de bonne heure, et pres d'une riviere, s'ils le
peuvent. Dans cette derniere circonstance ils les laissent brides encore
pendant une heure, comme les mules. Enfin vient un moment ou chacun fait
manger le sien.
Pendant la nuit ils les couvrent de feutre ou d'autres etoffes, et j'ai vu
de ces couvertures qui etoient tres-belles; ils en ont meme pour leurs
levriers, [Footnote: Le mot levrier n'avoit pas alors l'acception exclusive
qu'il a aujourd'hui; il se prenoit pour le chien de chase ordinaire.]
espece dont ils sont tres-curieux, et qui chez eux est belle et forte,
quoiqu'elle ait de longues oreilles pendantes et de longues queues
feuillees (touffues), que cependant elle porte bien.
Tous leurs chevaux sont Hongres: ils n'en gardent d'entiers que
quelques-uns pour servir d'etalons, mais en si petit nombre que je n'en ai
pas vu un seul. Du reste ils les sellent et brident a la jennette.
[Footnote: Les mors et les selles a la genette avoient ete adoptes en
France, et jusqu'au dernier siecle ils furent d'usage dans nos maneges. On
disoit monter a la genette quand les jambes etoient si courtes que l'eperon
portoit vis-a-vis les flancs du cheval. Le mors a la genette etoit celui
qui avoit sa gourmette d'une seule piece et de la forme d'un grand anneau,
mis et arrete au haut de la liberte de la langue.] Leurs selles,
ordinairement fort riches, sont tres-creuses. Elles n'ont qu'un arcon
devant, un autre derriere, avec de courtes etrivieres et de larges etriers.
Quant a leurs habillemens de guerre, j'ai ete deux fois dans le cas de les
voir, a l'occasion des Grecs renegats qui renoncoient a leur religion pour
embrasser le Mahometisme: alors les Turcs font une grande fete; ils
prennent leurs plus belles armes et parcourent la ville en cavalcade aussi
nombreuse qu'il leur est possible. Or dans ces circonstances, je les ai vus
porter d'assez belles brigandines (cottes d'armes) pareilles aux notres, a
l'exception que les ecailles en etoient plus petites. Leur garde-bras
(brassarts) etoient de meme. En un mot ils ressemblent a ces peintures ou
l'on nous represente les temps de Jules Cesar. La brigandine descend
presqu'a mi-cuisse; mais a son extremite est attachee circulairement une
etoffe de soie qui vient jusqu'a mi-jambe.
Sur la tete ils portent un harnois bla
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