aletriers Genois qui
s'etoient trouves a ce combat, et qui me raconterent comment l'empereur et
son armee repasserent le Danube sur ces galeres.
Apres avoir recu la reponse des bachas, l'ambassadeur revint chez lui; mais
a peine y etoit-il arrive qu'il recut, de la part du seigneur, cinq mille
aspres avec une robe de camocas cramoisi, doublee de boccassin jaune.
Trente-six aspres valent un ducat de Venise; mais sur les cinq mille le
tresorier qui les delivra en retint dix par cent pour droits de sa charge.
Je vis aussi pendant mon sejour a Andrinople un present d'un autre genre,
fait egalement par le seigneur a une mariee, le jour de ses noces. Cette
mariee etoit la fille du beguelarbay, gouverneur de la Grece, et c'etoit la
fille d'un des bachas qui, accompagnee de trente et quelques autres femmes,
avoit ete chargee de le presenter. Son vetement etoit un tissu d'or
cramoisi, et elle avoit le visage couvert, selon l'usage de la nation, d'un
voile tres-riche et ornee de pierreries. Les dames portoient de meme de
magnifiques voiles, et pour habillement les unes avoient des robes de
velours cramoisi, les autres des robes de drap d'or sans fourrures. Toutes
etoient a cheval, jambe de-ca, jambe de la, comme des hommes, et plusieurs
avoient de superbes selles.
En ayant et a la tete de la troupe marchoient treize ou quatorze cavaliers
et deux menestrels, egalement a cheval, ainsi que quelques autres musiciens
qui portoient une trompette, un tres-grand tambour et environ huit paires
de timbales. Tout cela faisoit un bruit affreux. Apres les musiciens venoit
le present, et apres le present, les dames.
Ce present consistoit en soixante-dix grands plateaux d'etain charges de
differentes sortes de confitures et de compotes, et vingt-huit autres dont
chacun portoit un mouton ecorche. Les moutons etoient peints en blanc et en
rouge, et tous avoient un anneau d'argent suspendu au nez et deux autres
aux oreilles.
J'eus occasian de voir aussi dans Andrinople des chaines de chretiens qu'on
amenoit vendre. Ils demandoient l'aumone dans les rues. Mais le coeur
saigne quand on songe a tout ce qu'ils souffrent de maux.
Nous quittames la ville le 12 de Mars, sous la conduite d'un esclave que le
seigneur avoit donne a l'ambassadeur pour l'accompagner. Cet homme nous fut
en route d'une grande utilite, surtout pour les logemens; car par-tout ou
il demandoit quelque chose pour nous, a l'instant on s'empressoit de nous
l'accorder.
No
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