encore, quand ils paroissent devant le
souverain, on les tient par la manche.]
Le dixieme jour, nous allames a la cour chercher reponse. Le seigneur
etoit, comme la premiere fois, sur son siege; mais il n'y avoit avec lui
dans la galerie que ceux de ses gens qui lui servoient a manger. Je n'y vis
ni buffet, ni menestrels, ni le seigneur de Bosnie, ni les Valaques; mais
seulement Magnoly, frere du duc de Chifalonie (Cephalonie), qui se conduit
envers le prince comme un serviteur bien respectueux. Les bachas eux-meme
etoient en dehors, debout et fort loin, ainsi que la plupart des personnes
que j'avois vues autrefois dans l'interieur; encore leur nombre etoit-il
beaucoup moindre.
On nous fit attendre en dehors. Pendant ce temps, le grand cadi, avec ses
autres associes, rendoit justice a la porte exterieure de la cour, et j'y
vis venir devant lui des chretiens etrangers pour plaider leur cause. Mais
quand le seigneur se leva, les juges leverent aussi leur seance, et se
retirerent chez eux.
Pour lui, je le vis passer avec tout son cortege dans la grande cour; ce
que je n'avois pu voir la premiere fois. Il portait une robe de drap d'or,
verte et peu riche, et il me parut avoir la demarche vive.
Des qu'il fut rentre dans sa chambre, les bachas, assis, comme la fois
precedente, sur la piece de bois, firent venir l'ambassadeur. Leur reponse
fut que leur maitre le chargeoit de saluer pour lui son frere le duc de
Milan; qu'il desireroit faire beaucoup en sa faveur, mais que sa demande en
ce moment n'etoit point raisonnable; que, par egard pour lui, leur dit
seigneur s'etoit souvent abstenu de faire dans le royaume de Hongrie de
grandes conquetes, qui d'ailleurs lui eussent peu coute, et que ce
sacrifice devoit suffire; que ce seroit pour lui chose fort dure de rendre
ce qu'il avoit gagne par l'epee; que, dans les circonstances presentes, lui
et ses soldats n'avoient, pour occuper leur courage, que les possessions de
l'empereur, et qu'ils y renoncoient d'autant moins que jusqu'alors ils ne
s'etoient jamais trouves en presence sans l'avoir battu ou vu fuir, comme
tout le monde le savoit.
En effet, l'ambassadeur etoit instruit de ces details. A la derniere
defaite qu'eprouva Sigismond devant Couloubath, il avoit ete temoin de son
desastre; il avoit meme, la veille de la bataille, quitte son camp pour se
rendre aupres du Turc. Dans nos entretiens il me conta sur tout cela
beaucoup de particularites. Je vis egalement deux arb
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