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vingt gentilshommes Valaques, detenus a sa suite comme otages du pays. Dans
l'interieur de la salle on avoit place une centaine de grands plats
d'etain, qui chacun contenoient une piece de mouton et du riz.
Quand tout le monde fut place on fit entrer un seigneur du royaume de
Bossene (Bosnie), lequel pretendoit que la couronne de ce pays lui
apparteroit: en consequence il etoit venu en faire hommage au Turc et lui
demander du secours contre le roi. On le mena prendre place aupres des
bachas; on introduisit ses gens, et l'on fit venir l'ambassadeur du duc de
Milan.
Il partit suivi de ses presens, qu'on alla placer pres des plats d'etain.
La, des gens preposes pour les recevoir, les purent et les leverent
au-dessus de leurs tetes aussi haut qu'ils le purent, afin que le seigneur
et sa cour pussent les voir. Pendant ce temps, messire Benedict avancoit
lentement vers la galerie. Un homme de distinction vint au-devant de lui
pour l'y introduire. En entrant il fit une reverence sans oter l'aumusse
qu'il avoit sur la tete; arrive pres des degres, il en fit une autre
tres-profonde.
Alors le seigneur se leva: il descendit deux marches pour s'approcher de
l'ambassadeur et le prit par la main. Celui-ci voulut lui baiser la sienne;
mais il s'y refusa, et demanda par la voie d'un interprete Juif qui savoit
le Turc et l'Italien, comment se portoit son bon frere et voisin le duc de
Milan. L'ambassadeur repondit a cette question; apres quoi on le mena
prendre place pres du Bosnien, mais a reculons, selon l'usage, et toujours
le visage tourne vers le prince.
Le seigneur attendit, pour se rasseoir, qu'il fut assis. Alors les diverses
personnes de service qui etoient dans la salle se mirent par terre, et
l'introducteur qui l'avoit fait entrer alla nous chercher, nous autres qui
formions sa suite, et il nous placa pres des Bosniens.
Pendant ce temps on attachoit au seigneur une serviette en soie; on placoit
devant lui une piece de cuir rouge, ronde et mince, parce que leur coutume
est de ne manger que sur des nappes de cuir; puis on lui apporta de la
viande cuite, sur deux plats dores. Lorsqu'il fut servi, les gens de
service allerent prendre les plats d'etain dont j'ai parle, et ils les
distribuerent par la salle aux personnes qui s'y trouvoient: un plat pour
quatre. Il y avoit dans chacun un morceau de mouton et du riz clair, mais
point de pain et rien a boire. Cependant j'apercus dans un coin de la cour
un haut buffet a gr
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