ez les Turcs, se firent entendre. Chacun
des autres cavaliers vint de meme prendre sa perche et la rompre. Enfin le
marie en fit lier ensemble deux, qui a la verite n'etoient pas trop fortes,
et il les brisa encore sans se blesser. [Footnote: La Brocquiere devoit
trouver ces joutes ridicules, parce qu'il etoit accoutume aux tournois de
France, ou des chevaliers tout couverts de fer se battoient avec des epees,
des lances, des massues, et ou tres-frequemment il y avoit des hommes tues,
blesses ou ecrases sous les pieds des chevaux. C'est ce qui lui fait dire
par deux fois que dans la joute des perches il n'y eut personne de blesse.]
Ainsi finit la fete, et chacun retourna chez soi sain et sauf. L'empereur
et son epouse etoient a une fenetre pour la voir.
Je m'etois propose de partir avec ce messire Benedict de Fourlino, qui,
comme je l'ai dit, etoit envoye en ambassade vers le Turc par le duc de
Milan. Il avoit avec lui un gentilhomme du duc, nomme Jean Visconti, sept
autres personnes, et dix chevaux de suite, parce que, quand on voyage en
Grece, il faut porter sans exception tout ce dont on peut avoir besoin.
Je sortis de Constantinople le 23 Janvier 1433, et traversai d'abord
Rigory, passage jadis assez fort, et forme par une vallee dans laquelle
s'avance un bras de mer qui peut bien avoir vingt milles de longueur. Il y
avoit une tour que les Turcs ont abattue. Il y reste un pont, une chaussee
et un village de Grecs. Pour arriver a Constantinople par terre on n'a que
ce passage, et un autre un peu plus bas que celui-ci, plus fort encore, et
sur une riviere qui vient la se jeter dans la mer.
De Rigory j'allai a Thiras, habite pareillement par des Grecs, jadis bonne
ville, et passage aussi fort que le precedent, parce qu'il est forme de
meme par la mer. A chaque bout du pont etoit une grosse tour. La tour et la
ville, tout a ete detruit par les Turcs.
De Thiras je me rendis a Salubrie. Cette ville, situee a deux journees de
Constantinople, a un petit port sur le golfe, qui s'etend depuis ce dernier
lieu jusqu'a Galipoly. Les Turcs n'ont pu la prendre, quoique du cote de la
mer elle ne soit pas forte. Elle appartient a l'empereur, ainsi que le pays
jusque-la; mais ce pays, tout ruine, n'a que des villages pauvres.
De la je vins a Chourleu, jadis considerable, detruit par les Turcs et
peuple de Turcs et de Grecs;
De Chourleu a Misterio, petite place fermee: il n'y a que des Grecs, avec
un seul Turc a qui son prin
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