ne au levant et la mer au midi. L'un des ses bains porte le nom
d'eau sainte.
Plus loin est Vyra, ancien chateau qu'on a demoli en plusieurs endroits. Un
Grec m'a dit que l'eglise avoit trois cents chanoines. Le choeur en
subsiste encore, et les Turcs en ont fait une mosquee. Ils ont aussi
construit autour du chateau une grande ville, peuplee maintenant par eux et
par des Grecs. Elle est sur une montagne pres de la Marisce.
Au sortir de Vyra nous recontrames le seigneur (gouverneur) de la Grece,
qui, mande par le Turc, se rendoit appres de lui avec une troupe de cent
vingt chevaux. C'est un bel homme, natif de Bulgarie, et qui a ete esclave
de son maitre; mais comme il a le talent de bien boire, le dit maitre lui a
donne le gouvernement de Grece, avec cinquante mille ducats de revenu.
Dymodique, ou je revins, me parut plus belle et plus grande encore qu'a mon
premier passage; et s'il est vrai que le Turc y a depose son tresor,
assurement il a raison.
Nous fumes obliges de l'attendre onze jours dans Adrinople. Enfin il arriva
le premier de careme. Le grand calife (le muphti), qui est chez eux ce
qu'est le pape chez nous, alla au-devant de lui avec tous les notables de
la ville: ce qui formoit une troupe tres-nombreuse. Il en etoit deja assez
pres lorsqu'ils le rencontrerent, et neanmoins il s'arreta pour boire et
manger, envoya en avant une partie de ces gens, et n'y entra qu'a la nuit.
J'ai eu occasion de me lier, pendant mon sejour a Andrinople, avec
plusieurs personnes qui avoient vecu a sa cour, et qui, a portee de le bien
connoitre, m'ont donne sur lui quelques details; et d'abord, moi qui l'ai
vu plusieurs fois, je dirai que c'est un petit homme, gros et trapu, a
physionomie Tartare, visage large et brun, joues elevees, barbe ronde, nez
grand et courbe, petits yeux; mais il est, m'a-t-on dit, doux, bon,
liberal, distribuant volontiers seigneuries et argent.
Ses revenus sont de deux millions et demi de ducats, y compris vingt-cinq
mille qu'il percoit en tributs. [Footnote: Il y a ici erreur de copiste sur
ces vingt-cinq mille ducats de tributs; la somme est trop foible. On verra
plus bas que le despote de Servie en payoit annuellement cinquante mille a
lui seul.] D'ailleurs, quand il leve une armee, non seulement elle ne lui
coute rien; mais il y gagne encore, parce que les troupes qu'on lui amene
de Turquie en Grece [Footnote: J'ai deja remarque que l'auteur appelle
Turquie les etats que possedoient en As
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