n'a que des vivres a fournir. Veut-il former une armee plus
considerable, la Grece seule, m'a-t-on dit, peut alors lui donner cent
vingt mille hommes; mais ceux-ci, il est oblige de les soudoyer. La paie
est de cinq aspers pour un fantassin, de huit pour un cavalier.
Cependant j'ai entendu dire que sur ces cent vingt mille hommes il n'y en
avoit que la moitie, c'est-a-dire les gens de cheval, qui fussent en bon
etat, bien armes de tarquais et d'epee; le reste est compose de gens de
pied mal equippes. Celui d'entre eux qui a une epee n'a point d'arc, celui
qui a un arc n'a ni epee ni arme quelconque, beaucoup meme n'ont qu'un
baton. Et il en est ainsi des pietons que fournit la Turquie: la moitie
n'est armee que de batons; cependant ces pietons Turcs sont plus estimes
que les Grecs, et meilleurs soldats.
D'autres personnes dont je regarde le temoignage comme veritable m'ont dit
depuis que les troupes qu'annuellement la Turquie est obligee de fournir
quand le seigneur veut former son armee, montent a trente mille hommes, et
celles de Grece a vingt mille, sans compter deux ou trois mille esclaves
qui sont a lui, et qu'il arme bien.
Parmi ces esclaves il y a beaucoup de chretiens. Il y en a aussi beaucoup
dans les troupes Grecques: les uns Albaniens, les autres Bulgares ou
d'autres contrees. C'est ainsi que dans la derniere armee de Grece il se
trouva trois mille chevaux de Servie, que le despote de cette province
envoya sous le commandement d'un de ses fils. C'est bien a regret que tous
ces gens-la viennent le servir; mais ils n'oseroient refuser.
Les bachas arriverent a Andrinople trois jours apres leur seigneur, et ils
y amenoient avec eux une partie de ses gens et de son bagage. Ce bagage
consiste en une centaine de chameaux et deux cent cinquante, tant mulets
que sommiers, parce que la nation ne fait point usage de chariots.
Messire Benedict, qui desiroit avoir de lui une audience, fit demander aux
bachas s'il pouvoit les-voir, et ils repondirent que non. La raison de ce
refus etoit qu'ils avoient bu avec leur seigneur, et qu'ils etoient ivres
ainsi que lui. Cependant ils envoyerent le lendemain chez l'ambassadeur
pour le prevenir qu'ils etoient visibles, et il se rendit aussitot chez
chacun d'eux avec des presens: telle est la coutume; on ne peut leur parler
sans apporter quelque chose, et il en est de meme pour les esclaves qui
gardent leurs portes. Je l'accompagnai dans cette visite.
Le jour suivant, dans
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