venir y mettre echelle a terre. Mais comme tout
le monde sait cela, je m'abstiens d'en parler. Cependant il m'a semble que
du cote de la terre, vers l'eglise qui est dans le voisinage de la porte, a
l'extremite du havre, il y a un endroit foible.
Je trouvai a Pera un ambassadeur du duc de Milan, qu'on appeloit messire
Benedicto de Fourlino. Le duc, qui avoit besoin de l'appui de l'empereur
Sigismond contre les Venitiens, et qui voyoit Sigismond embarrasse a
defendre des Turcs son royaume de Hongrie, envoyoit vers Amurat une
ambassade pour negocier un accommodement entre les deux princes.
Messire Benedicto me fit, en l'honneur de monseigneur de Bourgogne,
beaucoup d'accueil; il me conta meme que, pour porter dommage aux
Venitiens, il avoit contribue a leur faire perdre Salonique, prise sur eux
par les Turcs; et certes en cela il fit d'autant plus mal que depuis j'ai
vu des habitans de cette ville renier Jesus-Christ pour embrasser la loi de
Mahomet.
Il y avoit aussi a Pera un Napolitain nomme Pietre de Naples avec qui je me
liai. Celui-ci se disoit marie dans la terre du pretre Jean, et il fit des
efforts pour m'y emmener avec lui. Au reste, comme je le questionnai
beaucoup sur ce pays, il m'en conta bien des choses que je vais ecrire.
J'ignore s'il me dit verite ou non, mais je ne garantis rien.
Nota. La maniere dont notre voyageur annonce ici la relation du Napolitain,
annonce combien peu il y croyoit; et en cela le bon sens qu'il a montre
jusqu'a present ne se dement pas. Ce recit n'est en effet qu'un amas de
fables absurdes et de merveilles revoltantes qui ne meritent pas d'etre
citees, quoiqu'on les trouve egalement dans certains auteurs du temps.
Laissons l'auteur reprendre son discours.
Deux jours apres mon arrivee a Pera je traversai le havre pour aller a
Constantinople et visiter cette ville.
C'est une grande et spacieuse cite, qui a la forme d'un triangle. L'un des
cotes regarde le detroit que nous appelons le Bras-de-Saint-George; l'autre
a au midi un gouffre (golfe) assez large, qui se prolonge jusqu'a Galipoly.
Au nord est le port.
Il existe sur la terre, dit-on, trois grandes villes dont chacune renferme
sept montagnes; c'est Rome, Constantinople et Antioche. Selon moi, Rome est
plus grande et plus arrondie que Constantinople. Pour Antioche, comme je ne
l'ai vue qu'en passant, je ne puis rien dire sur sa grandeur; cependant ses
montagnes m'ont paru plus hautes que celles des deux autres.
On
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