s'ils l'avoient ose; mais j'avois mon epee et mon bon tarquais: d'ailleurs
un cordonnier Genois qui demeuroit pres de la vint a mon aide, et ils
furent obliges de se retirer.
J'ecris ceci pour servir d'avertissement aux voyageurs qui, comme moi,
auroient affaire a des Grecs. Tous ceux avec qui j'ai eu a traiter ne m'ont
laisse que de la defiance. J'ai trouve plus de loyaute en Turquie. Ce
peuple n'aime point les chretiens qui obeissent a l'eglise de Rome; la
soumission qu'il a faite depuis a cette eglise etoit plus interessee que
sincere. [Footnote: En 1438, Jean Paleologue II vint en Italie pour reunir
l'eglise Grecque avec la Latine, et la reunion eut lieu l'annee suivante au
concile de Florence. Mais cette demarche n'etoit de la part de l'empereur,
ainsi que le remarque la Brocquiere, qu'une operation politique dictee par
l'interet, et qui n'eut aucune suite. Ses etats se trouvoient dans une
situation si deplorable, et il etoit tellement presse par les Turcs, qu'il
cherchoit a se procurer le secours des Latins; et c'est dans cet espoir
qu'il etoit venu leurrer le pape. Cette epoque de 1438 est remarquable pour
notre voyage. Elle prouve que la Brocquiere, puisqu'il la cite, le publia
posterieurement a cette annee-la.] Aussi m'a-t-on dit que, peu avant mon
passage, le pape, dans un concile general, les avoit declares schismatiques
et maudits, en les devouant a etre esclaves de ceux qui etoient esclaves.
[Footnote: Fait faux. Le concile general qui eut lieu peu avant le passage
de l'auteur par Constantinople est celui de Bale en 1431. Or, loin d'y
maudire et anathematiser les Grecs, on s'y occupa de leur reunion. Cette
pretendue malediction etoit sans doute un bruit que faisoient courir dans
Constantinople ceux qui ne vouloient pas de rapprochement, et le voyageur
le fait entendre par cette expression, l'on m'a dit.]
Pera est une grande ville habitee par des Grecs, par des Juifs et par des
Genois. Ceux-ci en sont les maitres sous le duc de Milan, qui s'en dit le
seigneur; ils y ont un podestat et d'autres officiers qui la gouvernent a
leur maniere. On y fait un grand commerce avec les Turcs; mais les Turcs y
jouissent d'un droit de franchise singulier: c'est que si un de leurs
esclaves s'echappe et vient y chercher un asile, on est oblige de le leur
rendre. Le port est le plus beau de tous ceux que j'ai vus, et meme de tous
ceux, je crois, que possedent les chretiens, puisque les plus grosses
caraques Genoises peuvent
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