d'aussi
mauvais que les Francs. J'ecris ceci pour rappeler que celui qui, par amour
de Dieu, m'a fait tant de bien, etoit "ung homme hors de nostre foy."
Le pays que nous eumes a parcourir apres etre sortis de Couhongue est fort
beau, et il a d'assez bons villages; mais les habitans sont mauvais: le
chef me defendit meme, dans un des villages ou nous nous arretames, de
sortir de mon logement, de peur d'etre assassine. Il y a pres de ce lieu un
bain renomme, ou plusieurs malades accourent pour chercher guerison. On y
voit des maisons qui jadis appartinrent aux hospitaliers de Jerusalem, et
la croix de Jerusalem s'y trouve encore.
Apres trois jours de marche nous arrivames a une petite ville nomme
Achsaray, situee au pied d'une haute montagne, qui la garantit du midi. Le
pays est uni, mais mal-peuple, et les habitans passent pour mechans: aussi
me fut-il encore defendu de sortir la nuit hors de la maison.
Je voyageai la journee suivante entre deux montagnes dont les cimes sont
couronnees d'un peu de bois. Le canton, assez bien peuple, l'est un partie
par des Turcomans; mais il y a beaucoup d'herbages et de marais.
La je traversai une petite riviere qui separe ce pays de Karman d'avec
l'autre Karman que possede Amurat-Bey, nomme par nous le Grand-Turc. Cette
portion ressemble a la premiere; elle offre comme elle un pays plat,
parseme ca et la de montagnes.
Sur notre route nous cotoyames une ville a chateau, qu'on nomme Achanay.
Plus loin est un beau caravanserai ou nous comptions passer la nuit; mais
il y avoit vingt-cinq anes. Notre chef ne voulut pas y entrer, et il
prefera retourner une lieue on arriere sur ses pas, jusqu'a un gros village
ou nous logeames, et ou nous trouvames du pain, du fromage et du lait.
De ce lieu je vins a Karassar en deux jours. Carassar, en langue Turque,
signifie pierre noire. C'est la capitale de ce pays, dont s'est empare de
force Amurat-Bey. Quoiqu'elle ne soit point fermee, elle est marchande, et
a un des plus beaux chateaux que j'aie vus, quoiqu'il n'ait que de l'eau de
citerne. Il occupe la cime d'une haute roche, si bien arrondie qu'on la
croiroit taillee au ciseau. Au bas est la ville, qui l'entoure de trois
cotes; mais elle est a son tour enveloppee, ainsi que lui, par une montagne
en croissant, depuis grec jusqu'a mestre (depuis le nord-est jusqu'au
nord-ouest). Dans le reste de la circonference s'ouvre une plaine que
traverse une riviere. Il y avoit peu de temps que les Gr
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