ises gens, voleurs, subtils et grands
assassins. Ils se tuent les uns les autres, et la justice qu'il en fait ne
les arrete point.
Je trouvai dans Cohongue Antoine Passerot, frere de ce Perrin Passerot que
j'avois vu a Larande, qui tous deux accuses d'avoir voulu remettre
Famagouste sous la puissance du roi de Cypre, en avoient ete bannis, ainsi
que je l'ai dit; et ils s'etoient retires dans le pays du karman, l'un a
Larande, l'autre a Couhongue. Mais Antoine venoit d'avoir une mauvaise
aventure. Quelquefois peche aveugle les gens: on l'avoit trouve avec une
femme de la loi Mahometane; et sur l'ordre du roi, il avoit ete oblige,
pour echapper a la mort, de renier la foi catholique, quoiqu'il m'ait paru
encore bon chretien.
Dans nos conversations, il me conta beaucoup de particularites sur le pays,
sur le caractere et le gouvernement du seigneur, et principalement sur la
maniere dont il avoit pris et livre Ramedang.
Le karman, me dit-il, avoit un frere qu'il chassa du pays, et qui alla se
refugier et chercher asile pres du soudan. Le soudan n'osoit lui declarer
la guerre; mais il le fit prevenir que s'il ne lui livroit Ramedang, il
enverroit son frere avec des troupes la lui faire. Le karman n'hesita
point, et plutot que d'avoir son frere a combattre, il fit envers son
beau-frere une grande trahison. Antoine me dit aussi qu'il etoit lache et
sans courage, quoique son peuple soit le plus vaillant de la Turquie. Son
vrai nom est Imbreymbas; mais on l'appelle karman, a cause qu'il est
seigneur de ce pays.
Quoiqu'il soit allie au grand-Turc, puisqu'il a epouse sa soeur, il le hait
fort, parce que celui-ci lui a pris une partie du Karman. Cependant il
n'ose l'attaquer, vu que l'autre est trop fort; mais je suis persuade que
s'il le voyoit entrepris avec succes de notre cote, lui, du sien, ne le
laisseroit pas en paix.
En traversant ses etats j'ai cotoye une autre contree qu'on nomme Gaserie.
Celle-ci confine, d'une part au Karman, et de l'autre a la Turcomanie, par
les hautes montagnes qui sont vers Tharse et vers la Perse. Son seigneur
est un vaillant guerrier appele Gadiroly, lequel a sous ces ordres trente
mille hommes d'armes Turcomans, et environ cent mille femmes, aussi braves
et aussi bonnes pour le combat que les hommes.
Il y a la quatre seigneurs qui se font continuellement la guerre; c'est
Gadiroly, Quharaynich, Quaraychust et le fils de Tamerlan, qui, m'a-t-on
dit, gouverne la Perse.
Antoine m'apprit
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