nt occupee rue Royale et son pere
etant a son cercle, il etait certain de la trouver seule et de n'etre
point deranges dans leur entretien.
--Je viens t'annoncer mon depart pour demain, dit-il.
A ce mot, Madeleine ne montra ni surprise ni emotion, mais tirant un
morceau de papier d'un carnet, elle le plia en quatre et le tendit a son
cousin.
--Voici la liste des objets que je te prie de me faire expedier,
dit-elle.
--Mais je ne vais point a Rouen, je pars pour Madrid.
--Madrid!
Et cette emotion que Leon lui reprochait tout bas de n'avoir point
manifestee quelques secondes auparavant fit trembler sa voix et palir
ses levres fremissantes.
--Tu pars! repeta-t-elle tout bas et machinalement: Ainsi tu pars.
--Demain.
--Et tu seras longtemps absent?
Il hesita un moment avant de repondre.
--Je ne sais.
--C'est-a-dire pour etre franc que tu ne peux pas prevoir le moment de
ton retour, n'est-ce pas? Tu as ete si bon, si genereux pour moi, que me
voila tout attristee.
Puis baissant la voix:
--Avec qui parlerai-je de lui?
Et deux larmes coulerent sur ses joues.
C'etait la pensee de son pere qui, assurement, faisait couler les
larmes, et cette pensee seule.
--Et pourquoi n'en parlerais-tu pas avec mon pere? demanda Leon apres
quelques minutes de reflexion; tu sais qu'ils se sont aimes tendrement
comme deux freres, et je t'assure qu'avant cette rupture qui a brise nos
relations, mon pere avait plaisir a raconter des histoires de son
enfance et de sa jeunesse, auxquelles son frere Armand se trouvait
mele: tu seras agreable a mon pere en lui parlant de ce temps.
--Certes je le ferai.
--Puisque je te demande d'etre agreable a mon pere, veux-tu me permettre
de te donner un conseil, ma chere petite Madeleine?...
Il s'arreta brusquement, car, se laissant entrainer par son emotion il
avait ete plus loin, beaucoup plus loin qu'il ne voulait aller.
Mais aussitot il reprit en souriant:
--Tiens! voila que je parle comme lorsque tu n'etais qu'une petite fille
et que nous jouiions au mariage.
Elle detourna la tete et ne repondit pas.
--Ce que je veux te demander, poursuivit Leon vivement, c'est que tu
t'appliques a faire la conquete de mon pere et de ma mere. Cela te sera
facile, gracieuse, bonne, charmante, fine comme tu l'es.
--Tu ne me crois donc pas modeste, que tu me parles ainsi en face,
dit-elle en s'efforcant de sourire.
--Je dirai, si tu veux, que tu n'es que charmante, et ce
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