je parte!
--Le plus tot sera le mieux.
XII
Ce n'etait pas la premiere fois que Leon se trouvait en opposition avec
les idees ambitieuses de son pere et de sa mere; il les connaissait donc
bien et, mieux que personne, il savait qu'il n'y avait pas a lutter
contre elles.
Quand sa mere avait dit avec modestie et les yeux baisses: "notre
position", tout etait dit.
Et, pour son pere, il n'y avait rien au-dessus de la fortune "gagnee
loyalement dans le commerce".
Tous deux avaient au meme point la fierte de l'argent et le mepris de la
mediocrite.
Plus jeune que sa soeur de deux ans, il avait vu, lorsqu'il avait ete
question de marier celle-ci, quelle etait la puissance tyrannique de ces
idees, qui avaient fait repousser, malgre les supplications de Camille,
les pretendants les plus nobles, mais pauvres, pour accepter en fin de
compte un baron Valentin, a peine noble mais riche. Combien de fois
Camille, qui voulait etre duchesse et qui n'admettait qu'avec rage la
possibilite d'etre simple marquise, avait-elle verse des torrents de
larmes. Mais ni larmes ni rage n'avaient touche M. et madame Haupois.
--Nous ne nous amoindrirons pas dans notre gendre.
Cette reponse avait toujours ete la meme en presence d'un mari pauvre.
S'amoindrir! s'abaisser! pour eux c'etait faire faillite moralement.
Que repondre a son pere et a sa mere lui disant: "Ce n'est pas Madeleine
que nous repoussons, c'est la fille sans fortune?"
Toutes les raisons du monde les meilleures et les plus habiles ne
feraient pas Madeleine riche du jour au lendemain; et ce qu'il dirait,
ce qu'il tenterait en ce moment, tournerait en realite contre elle.
Ce qu'il fallait pour le moment, c'etait que Madeleine restat pres de
son pere et de sa mere et qu'elle devint de fait ce qu'elle n'etait
encore qu'en parole: leur fille.
Et puis d'ailleurs ce temps d'attente aurait cela de bon qu'il serait
pour lui-meme un temps d'epreuve. Loin de Madeleine, il sonderait son
coeur. Et, s'etant degage du sentiment de sympathie et de tendresse qui
a cette heure le poussait vers elle, il verrait s'il aimait reellement
sa cousine, et surtout s'il l'aimait assez pour l'epouser malgre son
pere et sa mere.
La chose etait assez grave pour etre murement pesee et ne point se
decider a la legere par un coup de tete ou dans un mouvement de revolte.
Resolu a partir, il voulut l'annoncer lui-meme a Madeleine, et pour cela
il choisit un moment ou, sa mere eta
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