re que l'on s'eloignait de la place
ou les torches eclairaient le prelat mort, ou le feu devorait ses
vetements.
XXXIV -- LA DIPLOMATIE DE GEORGES CADOUDAL
Le sentiment qu'eprouvait Roland en suivant Georges Cadoudal
ressemblait a celui d'un homme a moitie eveille qui se sent sous
l'empire d'un reve, et qui se rapproche peu a peu des limites qui
separent pour lui la nuit du jour: il cherche a se rendre compte
s'il marche sur le terrain de la fiction ou sur celui de la
realite, et plus il creuse les tenebres de son cerveau, plus il
s'enfonce dans le doute.
Un homme existait pour lequel Roland avait un culte presque divin;
accoutume a vivre dans l'atmosphere glorieuse qui enveloppait cet
homme, habitue a voir les autres obeir a ses commandements et a y
obeir lui-meme avec une promptitude et une abnegation presque
orientales, il lui semblait etonnant de rencontrer aux deux
extremites de la France deux pouvoirs organises, ennemis du
pouvoir de cet homme, et prets a lutter contre ce pouvoir.
Supposez un de ces Juifs de Judas Macchabee, adorateur de Jehovah,
l'ayant, depuis son enfance, entendu appeler le Roi des rois, le
Dieu fort, le Dieu vengeur, le Dieu des armees, l'Eternel, enfin,
et se heurtant tout a coup au mysterieux Osiris des Egyptiens ou
au foudroyant Jupiter des Grecs.
Ses aventures a Avignon et a Bourg, avec Morgan et les compagnons
de Jehu, ses aventures au bourg de Muzillac et au village de la
Trinite, avec Cadoudal et les Chouans, lui semblaient une
initiation etrange a quelque religion inconnue; mais, comme ces
neophytes courageux qui risquent la mort pour connaitre le secret
de l'initiation, il etait resolu d'aller jusqu'au bout.
D'ailleurs, il n'etait pas sans une certaine admiration pour ces
caracteres exceptionnels; ce n'etait pas sans etonnement qu'il
mesurait ces Titans revoltes, qui luttaient contre son Dieu, et il
sentait bien que ce n'etaient point des hommes vulgaires, ceux-la
qui poignardaient sir John a la Chartreuse de Seillon, et qui
fusillaient l'eveque de Vannes au village de la Trinite.
Maintenant, qu'allait-il voir encore? C'est ce qu'il ne tarderait
pas a savoir; on etait en marche depuis cinq heures et demie, et
le jour approchait.
Au-dessus du village de Tridon, on avait pris a travers champs;
puis, laissant Vannes a gauche, on avait gagne Trefleon. A
Trefleon, Cadoudal, toujours suivi de son major general Branche-
d'or, avait retrouve Monte-a-l'assaut et Chante-en-h
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