ont eu
quelques succes depuis Mahmoud de Ghizni, en l'an 1000, jusqu'a
Nadir-Schah, en 1739: et combien entre ces deux epoques ont fait
la route que je compte faire! passons-les en revue... Apres
Mahmoud de Ghizni, Mahomet-Gouri, en 1184, avec cent vingt mille
hommes; apres Mahomet-Gouri, Timour-Lung ou Timour le Boiteux,
dont nous avons fait Tamerlan, avec soixante mille hommes; apres
Timour-Lung, Babour; apres Babour, Humayoun; que sais-je, moi!
L'Inde n'est-elle pas a qui veut ou a qui sait la prendre?
-- Vous oubliez, citoyen premier consul, que tous ces conquerants
que vous venez de nommer n'ont eu affaire qu'aux peuplades
indigenes, tandis que vous aurez affaire aux Anglais, vous. Nous
avons dans l'Inde...
-- Vingt a vingt-deux mille hommes.
-- Et cent mille cipayes.
-- J'ai fait le compte de chacun, et je traite l'Angleterre et
l'Inde, l'une avec le respect, l'autre avec le mepris qu'elle
merite: partout ou je trouve l'infanterie europeenne, je prepare
une seconde, une troisieme, s'il le faut une quatrieme ligne de
reserve, supposant que les trois premieres peuvent plier sous la
baionnette anglaise; mais partout ou je ne rencontre que des
cipayes, des fouets de poste pour cette canaille, c'est tout ce
qu'il me faut. Avez-vous encore quelques questions a me faire,
milord?
-- Une seule, citoyen premier consul: desirez-vous serieusement la
paix?
-- Voici la lettre par laquelle je la demande a votre roi, milord;
et c'est pour etre bien sur qu'elle sera remise a Sa Majeste
Britannique, que je prie le neveu de lord Grenville d'etre mon
messager.
-- Il sera fait selon votre desir, citoyen; et, si j'etais l'oncle
au lieu d'etre le neveu, je promettrais davantage.
-- Quand pouvez-vous partir?
-- Dans une heure, je serai parti.
-- Vous n'avez aucun desir a m'exprimer avant votre depart?
-- Aucun. En tous cas, si j'en avais, je laisse mes pleins
pouvoirs a mon ami Roland.
-- Donnez-moi la main, milord; ce sera de bon augure, puisque nous
representons, vous l'Angleterre, et moi la France.
Sir John accepta l'honneur que lui faisait Bonaparte, avec cette
exacte mesure qui indiquait a la fois sa sympathie pour la France
et ses reserves pour l'honneur national.
Puis, ayant serre celle de Roland avec une effusion toute
fraternelle, il salua une derniere fois le premier consul et
sortit.
Bonaparte le suivit des yeux, parut reflechir un instant; puis,
tout a coup:
-- Roland, dit-il, non seu
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