et precede d'un postillon
charge de ramener le cheval en main, sortait de Bourg par la route
de Macon ou de Saint-Jullien.
Nous disons par la route de Macon ou de Saint-Jullien, parce qu'a
une lieue de la capitale de la Bresse la route bifurque et
presente deux chemins, l'un qui conduit, en suivant tout droit, a
Saint-Jullien; l'autre qui, en deviant a gauche, mene a Macon.
Arrive a l'embranchement des deux routes, le cavalier allait
prendre le chemin de Macon, lorsqu'une voix qui semblait sortir de
dessous une voiture renversee implora sa misericorde.
Le cavalier ordonna au postillon de voir ce que c'etait.
Un pauvre maraicher etait pris, en effet, sous une voiture de
legumes. Sans doute avait-il voulu la soutenir au moment ou la
roue, mordant sur le fosse, perdait l'equilibre; la voiture etait
tombee sur lui, et cela avec tant de bonheur, qu'il esperait,
disait-il, n'avoir rien de casse, et ne demandait qu'une chose,
c'est qu'on aidat sa voiture a se remettre sur ses roues; il
esperait, lui, alors, pouvoir se remettre sur ses jambes.
Le cavalier etait misericordieux pour son prochain, car non
seulement il permit que le postillon s'arretat pour tirer le
maraicher de l'embarras ou il se trouvait, mais encore il mit lui-
meme pied a terre, et, avec une vigueur qu'on eut ete loin
d'attendre d'un homme de taille moyenne comme il l'etait, il aida
le postillon a remettre la voiture, non seulement sur ses roues,
mais encore sur le pave du chemin.
Apres quoi, il voulut aider l'homme a se relever a son tour; mais
celui-ci avait dit vrai: il etait sain et sauf, et, s'il lui
restait une espece de flageolement dans les jambes, c'etait pour
justifier le proverbe qui pretend qu'il y a un Dieu pour les
ivrognes.
Le maraicher se confondit en remerciements et prit son cheval par
la bride, mais tout autant -- la chose etait facile a voir -- pour
se soutenir lui-meme que pour conduire l'animal par le droit
chemin.
Les deux cavaliers se remirent en selle, lancerent leurs chevaux
au galop et disparurent bientot au coude que fait la route cinq
minutes avant d'arriver au bois Monnet.
Mais a peine eurent-ils disparu, qu'il se fit un changement
notable dans les allures du maraicher: il arreta son cheval, se
redressa, porta a ses levres l'embouchure d'une petite trompe, et
sonna trois coups.
Une espece de palefrenier sortit du bois qui borde la route,
conduisant un cheval de maitre par la bride.
Le maraicher depouil
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