-il, voici tous les drapeaux de l'armee
ottomane, detruite sous vos yeux a Aboukir. L'armee d'Egypte,
apres avoir traverse des deserts brulants, triomphe de la faim et
de la soif, se trouve devant un ennemi fier de son nombre et de
ses succes, et qui croit voir une proie facile dans nos troupes
extenuees par la fatigue et par des combats sans cesse
renaissants; il ignore que le soldat francais est plus grand parce
qu'il sait souffrir, parce qu'il sait vaincre, et que son courage
s'irrite et s'accroit avec le danger. Trois mille Francais, vous
le savez, fondent alors sur dix-huit mille barbares, les
enfoncent, les renversent, les serrent entre leurs rangs et la
mer, et la terreur que nos baionnettes inspirent est telle, que
les musulmans, forces a choisir leur mort, se precipitent dans les
abimes de la Mediterranee.
"Dans cette journee memorable furent peses les destins de
l'Egypte, de la France et de l'Europe, sauves par votre courage.
"Puissances coalisees, si vous osiez violer le territoire de la
France et que le general qui nous fut rendu par la victoire
d'Aboukir fit un appel a la nation, puissances coalisees, vos
succes vous seraient plus funestes que vos revers! Quel Francais
ne voudrait encore vaincre sous les drapeaux du premier consul, ou
faire sous lui l'apprentissage de la gloire?"
Puis, s'adressant aux invalides, auxquels la tribune du fond avait
ete reservee tout entiere:
"Et vous, continua-t-il d'une voix plus forte, vous braves
veterans, honorables victimes du sort des combats, vous ne seriez
pas les derniers a voler sous les ordres de celui qui console vos
malheurs et votre gloire, et qui place au milieu de vous et sous
votre garde ces trophees conquis par votre valeur! Ah! je le sais,
braves veterans, vous brulez de sacrifier la moitie de la vie qui
vous reste pour votre patrie et votre liberte!"
Cet echantillon de l'eloquence militaire du vainqueur de
Montebello fut crible d'applaudissements; trois fois le ministre
de la guerre essaya de lui repondre, trois fois les bravos
reconnaissants lui couperent la parole: enfin le silence se fit et
Berthier s'exprima en ces termes:
"Elever aux bords de la Seine des trophees conquis sur les rives
du Nil; suspendre aux voutes de nos temples, a cote des drapeaux
de Vienne, de Petersbourg et de Londres, les drapeaux benis dans
les mosquees de Byzance et du Caire; les voir ici presentes a la
patrie par les memes guerriers; jeunes d'annees, vieux de glo
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