e transport de
chaque voiture hors de la vue du fort.
Le general Marmont, qui avait donne ce conseil, presidait lui-meme
a la premiere operation.
Par bonheur, un orage avait rendu la nuit fort obscure.
Les six premieres pieces d'artillerie et les six premiers caissons
arriverent a leur destination sans qu'un seul coup de fusil eut
ete tire du fort.
On revint par le meme chemin sur la pointe du pied, a la queue les
uns des autres; mais, cette fois, l'ennemi entendit quelque bruit,
et, voulant en connaitre la cause, il lanca des grenades.
Les grenades, par bonheur, tombaient de l'autre cote du chemin.
Pourquoi ces hommes, une fois passes, revenaient-ils sur leurs
pas?
Pour chercher leurs fusils et leurs bagages; on eut pu leur
epargner cette peine et ce danger, en placant bagages et fusils
sur les caissons; mais on ne pense pas a tout; et la preuve, c'est
que l'on n'avait pas pense non plus au fort de Bard.
Une fois la possibilite du passage demontree, le transport de
l'artillerie fut un service comme un autre; seulement, l'ennemi
prevenu, il devenait plus dangereux. Le fort semblait un volcan,
tant il vomissait de flammes et de fumee; mais, vu la facon
verticale dont il etait oblige de tirer, il faisait plus de bruit
que de mal.
On perdit cinq ou six hommes par voiture, c'est-a-dire un dixieme
sur cinquante; mais l'artillerie passa, le sort de la campagne
etait la!
Plus tard, on s'apercut que le col du petit Saint-Bernard etait
praticable et que l'on eut pu y faire passer toute l'artillerie
sans demonter une seule piece.
Il est vrai que le passage eut ete moins beau, etant moins
difficile.
Enfin, on se trouva dans les magnifiques plaines du Piemont.
Sur le Tessin, on rencontra un corps de douze mille hommes detache
de l'armee du Rhin par Moreau, qui, apres les deux victoires
remportees par lui, pouvait preter a l'armee d'Italie ce
supplement de soldats; il avait debouche par le Saint-Gothard, et,
renforce de ces douze mille hommes, le premier consul entra dans
Milan sans coup ferir.
A propos, comment avait fait le premier consul, qui, d'apres un
article de la constitution de l'an VIII, ne pouvait sortir de
France et se mettre a la tete des armees?
Nous allons vous le dire.
La veille du jour ou il devait quitter Paris, c'est-a-dire le 5
mai, ou, selon le calendrier du temps, le 15 floreal, il avait
fait venir chez lui les deux autres consuls et les ministres, et
avait dit a Lucien:
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