sent.
Sir John etait parfaitement calme, mais son visage avait une
teinte profonde de melancolie.
Il etait evident que cette rencontre lui etait aussi douloureuse
qu'elle paraissait agreable a Roland.
On mit pied a terre; un des deux temoins prit la boite aux
pistolets des mains d'un des domestiques, auxquels il ordonna de
continuer de suivre l'allee comme s'ils promenaient les chevaux de
leurs maitres. Ils ne devaient se rapprocher qu'au bruit des coups
de pistolet. Le groom de sir John devait se joindre a eux et faire
ainsi qu'eux.
Les deux adversaires et les deux temoins entrerent dans le bois,
s'enfoncant au plus epais du taillis, pour trouver une place
convenable.
Au reste, comme l'avait prevu Roland, le bois etait desert;
l'heure du diner avait ramene chez eux les promeneurs.
On trouva une espece de clairiere qui semblait faite expres pour
la circonstance.
Les temoins regarderent Roland et sir John.
Ceux-ci firent de la tete un signe d'assentiment.
-- Rien n'est change? demanda un des temoins s'adressant a lord
Tanlay.
-- Demandez a M. de Montrevel, dit lord Tanlay; je suis ici sous
son entiere dependance.
-- Rien, fit Roland.
On tira les pistolets de la boite, et on commenca a les charger.
Sir John se tenait a l'ecart, fouillant les hautes herbes du bout
de sa cravache.
Roland le regarda, sembla hesiter un instant; puis, prenant sa
resolution, marcha a lui. Sir John releva la tete et attendit avec
une esperance visible.
-- Milord, lui dit Roland, je puis avoir a me plaindre de vous
sous certains rapports, mais je ne vous en crois pas moins homme
de parole.
-- Et vous avez raison, monsieur, repondit sir John.
-- Etes-vous homme, si vous me survivez, a me tenir ici la
promesse que vous m'aviez faite a Avignon?
-- Il n'y a pas de probabilite que je vous survive, monsieur,
repondit lord Tanlay; mais vous pouvez disposer de moi tant qu'il
me restera un souffle de vie.
-- Il s'agit des dernieres dispositions a prendre a l'endroit de
mon corps.
-- Seraient-elles les memes ici qu'a Avignon?
-- Elles seraient les memes, milord.
-- Bien... Vous pouvez etre parfaitement tranquille.
Roland salua sir John et revint a ses deux amis.
-- Avez-vous, en cas de malheur, quelque recommandation
particuliere a nous faire? demanda l'un d'eux.
-- Une seule.
-- Faites.
-- Vous ne vous opposerez en rien a ce que milord Tanlay decidera
de mon corps et de mes funerailles. A
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