qui conduit de Macon a Bourg; on peut continuer jusqu'a
Lyon, et prendre le chemin de fer de Bourg a Lyon.
J'hesitais entre ces deux voies, lorsque je fus determine par un
des voyageurs qui habitaient momentanement le meme wagon que moi.
Il allait a Bourg, ou il avait, me dit-il, de frequentes
relations; il y allait par Lyon; donc, la route de Lyon etait la
meilleure.
Je resolus d'aller par la meme route que lui.
Je couchai a Lyon, et, le lendemain, a dix heures du matin,
j'etais a Bourg.
Un journal de la seconde capitale du royaume m'y rejoignit. Il
contenait un article aigre-doux sur moi.
Lyon n'a pas pu me pardonner depuis 1833, je crois, il y a de cela
vingt-quatre ans, d'avoir dit qu'il n'etait pas litteraire.
Helas! j'ai encore sur Lyon, en 1857, la meme opinion que j'avais
sur lui en 1833. Je ne change pas facilement d'opinion.
Il y a en France une seconde ville qui m'en veut presque autant
que Lyon: c'est Rouen.
Rouen a siffle toutes mes pieces, y compris _le Compte Hermann_.
Un jour, un Napolitain se vantait a moi d'avoir siffle Rossini et
la Malibran, le _Barbier _et la Desdemona.
-- Cela doit etre vrai, lui repondis-je, car Rossini et la
Malibran, de leur cote, se vantent d'avoir ete siffles par les
Napolitains.
Je me vante donc d'avoir ete siffle par les Rouennais.
Cependant, un jour que j'avais un Rouennais pur sang sous la main,
je resolus de savoir pourquoi on me sifflait a Rouen. Que voulez-
vous! j'aime a me rendre compte des plus petites choses.
Le Rouennais me repondit:
-- Nous vous sifflons, parce que nous vous en voulons.
Pourquoi pas? Rouen en avait bien voulu a Jeanne d'Arc.
Cependant, ce ne pouvait pas etre pour le meme motif.
Je demandai au Rouennais pourquoi lui et ses compatriotes m'en
voulaient: je n'avais jamais dit de mal du sucre de pomme; j'avais
respecte M. Barbet tout le temps qu'il avait ete maire, et,
delegue par la Societe des gens de lettres a l'inauguration de la
statue du grand Corneille, j'etais le seul qui eut pense a saluer
avant de prononcer son discours.
Il n'y avait rien dans tout cela qui dut raisonnablement me
meriter la haine des Rouennais.
Aussi, a cette fiere reponse: "Nous vous sifflons parce que nous
vous en voulons" fis-je humblement cette demande:
-- Et pourquoi m'en voulez-vous, mon Dieu?
-- Oh! vous le savez bien, repondit le Rouennais.
-- Moi? fis je.
-- Oui, vous.
-- N'importe, faites comme si je ne le sav
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