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-- Desaix est a une lieue a peine; l'un de vos aides de camp l'a
rencontre revenant sur ses pas et marchant au canon.
-- Allons, dit Bonaparte, peut-etre arrivera-t-il encore a temps.
-- Comment, a temps?
-- Regarde!
Roland jeta un coup d'oeil sur le champ de bataille et comprit la
situation.
Pendant les quelques minutes ou Bonaparte avait detourne ses yeux
de la melee, elle s'etait encore aggravee.
La premiere colonne autrichienne, qui s'etait dirigee sur Castel-
Ceriolo et qui n'avait pas encore donne, debordait notre droite.
Si elle entrait en ligne, c'etait la deroute au lieu de la
retraite.
Desaix arriverait trop tard.
-- Prends mes deux derniers regiments de grenadiers, dit
Bonaparte; rallie la garde consulaire, et porte-toi avec eux a
l'extreme droite... tu comprends? en carre, Roland! et arrete
cette colonne comme une redoute de granit.
Il n'y avait pas un instant a perdre; Roland sauta a cheval, prit
les deux regiments de grenadiers, rallia la garde consulaire et
s'elanca a l'extreme droite.
Arrive a cinquante pas de la colonne du general Elsnitz:
-- En carre! cria Roland; le premier consul nous regarde.
Le carre se forma; chaque homme sembla prendre racine a sa place.
Au lieu de continuer son chemin pour venir en aide aux generaux
Melas et Kaim, au lieu de mepriser ces neuf cents hommes qui
n'etaient point a craindre sur les derrieres d'une armee
victorieuse, le general Elsnitz s'acharna contre eux.
Ce fut une faute; cette faute sauva l'armee.
Ces neuf cents hommes furent veritablement la redoute de granit
qu'avait esperee Bonaparte: artillerie, fusillade, baionnettes,
tout s'usa sur elle.
Elle ne recula point d'un pas.
Bonaparte la regardait avec admiration, quand, en detournant enfin
les yeux du cote de la route de Novi, il vit apparaitre les
premieres baionnettes de Desaix.
Place au point le plus eleve du plateau, il voyait ce que ne
pouvait voir l'ennemi.
Il fit signe a un groupe d'officiers qui se tenait a quelques pas
de lui, prets a porter ses ordres.
Derriere ces officiers etaient deux ou trois domestiques tenant
des chevaux de main.
Officiers et domestiques s'avancerent.
Bonaparte montra a l'un des officiers la foret de baionnettes qui
reluisaient au soleil.
-- Au galop vers ces baionnettes, dit-il, et qu'elles se hatent!
Quant a Desaix, vous lui direz que je suis ici et que je
l'attends.
L'officier partit au galop.
Bonaparte reporta
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