forcees de suivre le mouvement retrograde. Kellermann a gauche,
Watrin a droite, ont donne a leurs hommes l'ordre de reculer.
La retraite s'opera par echiquier, sous le feu de quatre-vingts
pieces d'artillerie qui precedaient la marche des bataillons
autrichiens; les rangs se degarnissaient a vue d'oeil: on ne
voyait que blesses apportes a l'ambulance par leurs camarades,
qui, pour la plupart, ne revenaient plus.
Une division battait en retraite a travers un champ de bles murs;
un obus eclata et mit le feu a cette paille deja seche, deux ou
trois mille hommes se trouverent au milieu d'un incendie. Les
gibernes prirent feu et sauterent. Un immense desordre se mit dans
les rangs.
Alors, Bonaparte lanca la garde consulaire; elle arriva au pas de
course, se deploya en bataille et arreta les progres de l'ennemi.
De leur cote, les grenadiers a cheval se precipiterent au galop et
culbuterent la cavalerie autrichienne.
Pendant ce temps, la division echappee a l'incendie se reformait,
recevait de nouvelles cartouches et rentrait en ligne.
Mais ce mouvement n'avait eu d'autre resultat que d'empecher la
retraite de se changer en deroute.
Il etait deux heures.
Bonaparte regardait cette retraite, assis sur la levee du fosse de
la grande route d'Alexandrie; il etait seul; il avait la bride de
son cheval passee au bras et faisait voltiger de petites pierres
en les fouettant du bout de sa cravache. Les boulets sillonnaient
la terre tout autour de lui.
Il semblait indifferent a ce grand drame, au denouement duquel
cependant etaient suspendues toutes ses esperances.
Jamais il n'avait joue si terrible partie: six ans de victoire
contre la couronne de France!
Tout a coup, il parut sortir de sa reverie; au milieu de
l'effroyable bruit de la fusillade et du canon, il lui semblait
entendre le bruit d'un galop de cheval. Il leva la tete. En effet,
du cote de Novi arrivait un cavalier a toute bride sur un cheval
blanc d'ecume.
Lorsque le cavalier ne fut plus qu'a cinquante pas, Bonaparte jeta
un cri.
-- Roland! dit-il.
Celui-ci, de son cote, arrivait en criant:
-- Desaix! Desaix! Desaix!
Bonaparte ouvrit les bras; Roland sauta a bas de son cheval, et se
precipita au cou du premier consul.
Il y avait pour Bonaparte deux joies dans cette arrivee: celle de
revoir un homme qu'il savait lui etre devoue jusqu'a la mort,
celle de la nouvelle apportee par lui.
-- Ainsi, Desaix?... interrogea le premier consul
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