_Ton honneur qu'ils pensent ternir._
_ _
_Soyez beni, mon Dieu, vous qui daignez me rendre_
_L'innocence et son noble orgueil;_
_Vous qui, pour proteger le repos de ma cendre,_
_Veillerez pres de mon cercueil!_
_ _
_Au banquet de la vie, infortune convive,_
_J'apparus un jour, et je meurs;_
_Je meurs, et sur ma tombe, ou lentement j'arrive,_
_Nul ne viendra verser des pleurs._
_ _
_Salut, champs que j'aimais, et vous, douce verdure,_
_Et vous, riant exil des bois!_
_Ciel, pavillon de l'homme, admirable nature,_
_Salut pour la derniere fois!_
_ _
_Ah! puissent voir longtemps votre beaute sacree_
_Tant d'amis sourds a mes adieux!_
_Qu'ils meurent pleins de jour! que leur mort soit pleuree_
_Qu'un ami leur ferme les yeux!_
La voix se tut; sans doute, la derniere strophe etait dite.
Amelie, qui n'avait pas voulu interrompre la meditation supreme
des condamnes et qui avait reconnu la belle ode de Gilbert, ecrite
par lui sur le grabat d'un hopital, la veille de sa mort, fit
signe au geolier qu'il pouvait ouvrir.
Le pere Courtois qui, tout geolier qu'il etait, semblait partager
l'emotion de la jeune fille, fit le plus doucement possible qu'il
put tourner la clef dans la serrure: la porte s'ouvrit.
Amelie embrassa d'un coup d'oeil l'ensemble du cachot et des
personnages qui l'habitaient.
Valensolle, debout, appuye a la muraille, tenait encore a la main
le livre ou il venait de lire les vers qu'Amelie avait entendus;
Jahiat etait assis pres d'une table, la tete appuyee sur sa main;
Ribier etait assis sur la table meme; pres de lui, au fond,
Sainte-Hermine, les yeux fermes, et comme s'il eut ete plonge dans
le plus profond sommeil, etait couche sur le lit.
A la vue de la jeune fille qu'ils reconnurent pour Amelie, Jahiat
et Ribier se leverent.
Morgan resta immobile; il n'avait rien entendu.
Amelie alla droit a lui, et comme si le sentiment qu'elle
eprouvait pour son amant etait sanctifie par l'approche de la
mort, sans s'inquieter de la presence de ses trois amis, elle
s'approcha de Morgan, et, tout en appuyant ses levres sur les
levres du prisonnier, elle murmura:
-- Reveille-toi, mon Charles; c'est ton Amelie qui vient tenir sa
parole.
Morgan jeta un cri joyeux et enveloppa la jeune fille de ses deux
bras.
-- Monsieur Courtois, dit Montbar, vous etes un brave homme;
laissez ces deux pauvres jeunes gens ensemble: ce serait une
impiete que de troubler par notre presence les quelques minutes
qu
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