tu seras arrive.
"Mourir, c'est le revoir; mourir, c'est le rejoindre pour ne le
quitter jamais; je suis heureuse de mourir."
Tout etait clair et precis, il etait evident qu'il n'y avait pas
dans cette lettre trace de delire.
Roland la relut deux fois et resta un instant immobile, muet,
haletant, plein d'anxiete; mais, enfin, la pitie l'emporta sur la
colere.
Il s'approcha d'Amelie, etendit la main sur elle, et d'une voix
douce:
-- Ma soeur, dit-il, je te pardonne.
Un leger tressaillement agita le corps de la mourante.
-- Et maintenant, dit-elle, appelle notre mere; c'est dans ses
bras que je dois mourir.
Roland alla a la porte et appela madame de Montrevel.
Sa chambre etait ouverte; elle attendait evidemment, et accourut.
-- Qu'y a-t-il de nouveau? s'informa-t-elle vivement.
-- Rien, repondit Roland, sinon qu'Amelie demande a mourir dans
vos bras.
Madame de Montrevel entra et alla tomber a genoux devant le lit de
sa fille.
Elle, alors, comme si un bras invisible avait detache les liens
qui semblaient la retenir sur sa couche d'agonie, se souleva
lentement, detachant les mains de dessus sa poitrine et laissant
glisser une de ses mains dans celle de sa mere:
-- Ma mere, dit-elle, vous m'avez donne la vie, vous me l'avez
otee, soyez benie; c'etait ce que vous pouviez faire de plus
maternel pour moi, puisqu'il n'y avait plus pour votre fille de
bonheur possible en ce monde.
Puis, comme Roland etait alle s'agenouiller de l'autre cote du
lit; laissant, comme elle avait fait pour sa mere, tomber sa
seconde main dans la sienne:
-- Nous nous sommes pardonnes tous deux, frere, dit-elle.
-- Oui, pauvre Amelie, repondit Roland, et, je l'espere, du plus
profond de notre coeur.
-- Je n'ai plus qu'une derniere recommandation a te faire.
-- Laquelle?
-- N'oublie pas que lord Tanlay a ete mon meilleur ami.
-- Sois tranquille, dit Roland, la vie de lord Tanlay m'est
sacree.
Amelie respira.
Puis, d'une voix dans laquelle il etait impossible de reconnaitre
une autre alteration qu'une faiblesse croissante:
-- Adieu, Roland! dit-elle, adieu, ma mere! vous embrasserez
Edouard pour moi.
Puis, avec un cri sorti du coeur et dans lequel il y avait plus de
joie que de tristesse:
-- Me voila, Charles; dit-elle, me voila.
Et elle retomba sur son lit, retirant a elle, dans le mouvement
qu'elle faisait, ses deux mains, qui allerent se rejoindre sur sa
poitrine.
Roland et madame de
|