is.
Roland hesita un instant; sa soeur n'etait-elle point en proie au
delire?
-- Pauvre Amelie! murmura Roland.
-- Il ne faut pas me plaindre, dit la jeune fille, je vais le
rejoindre.
-- Qui cela? demanda Roland.
-- Celui que j'aimais et que tu as tue.
Roland poussa un cri: c'etait bien du delire, de qui sa soeur
voulait-elle parler?
-- Amelie, dit-il, j'etais venu pour t'interroger.
-- Sur lord Tanlay, je le sais, repondit la jeune fille.
-- Tu le sais! et comment cela?
-- Ne t'ai-je pas dit que je t'avais vu venir et que je savais
pourquoi tu venais?
-- Alors, reponds-moi.
-- Ne me detourne pas de Dieu et de lui, Roland; je t'ai ecrit,
lis ma lettre.
Roland passa sa main sous l'oreiller, convaincu que sa soeur etait
en delire.
A son grand etonnement, il sentit un papier qu'il tira a lui.
C'etait une lettre sous enveloppe; sur l'enveloppe etaient ecrits
ces quelques mots:
"Pour Roland, qui arrive demain."
Il s'approcha de la veilleuse, afin de lire plus facilement.
La lettre etait datee de la veille a onze heures du soir.
Roland lut:
"Mon frere, nous avons chacun une chose terrible a nous
pardonner..."
Roland regarda sa soeur, elle etait toujours immobile.
Il continua:
"J'aimais Charles de Sainte-Hermine; je faisais plus que de
l'aimer: il etait mon amant..."
-- Oh! murmura le jeune homme entre ses dents, il mourra!
-- Il est mort, dit Amelie.
Roland jeta un cri d'etonnement; il avait dit si bas les paroles
auxquelles repondait Amelie, qu'a peine les avait-il entendues
lui-meme.
Ses yeux se reporterent sur la lettre:
"Il n'y avait aucune union possible entre la soeur de Roland de
Montrevel et le chef des compagnons de Jehu; la etait le secret
terrible que je ne pouvais pas dire et qui me devorait.
"Une seule personne devait le savoir et l'a su; cette personne,
c'est sir John Tanlay.
"Dieu benisse l'homme au coeur loyal qui m'avait promis de rompre
un mariage impossible et qui a tenu parole.
"Que la vie de lord Tanlay te soit sacree, o Roland! c'est le seul
ami que j'aie eu dans ma douleur, le seul homme dont les larmes se
soient melees aux miennes.
"J'aimais Charles de Sainte-Hermine, j'etais la maitresse de
Charles: voila la chose terrible que tu as a me pardonner.
"Mais en echange, c'est toi qui es cause de sa mort: voila la
chose terrible que je te pardonne.
"Et maintenant arrive vite, o Roland, puisque je ne dois mourir
que quand
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