on
coeur.
Il embrassa Amelie comme avaient fait son frere et sa mere.
Amelie parut aussi insensible a ce baiser qu'elle l'avait ete aux
deux precedents.
L'enfant marchant le premier, madame de Montrevel et Roland,
suivant Edouard, s'avancerent donc vers la porte.
Au moment d'en franchir le seuil, tous trois s'arreterent en
tressaillant.
Ils avaient entendu le nom de Roland distinctement prononce.
Roland se retourna.
Amelie une seconde fois prononca le nom de son frere.
-- M'appelles-tu, Amelie? demanda Roland.
-- Oui, repondit la voix de la mourante.
-- Seul, ou avec ma mere?
-- Seul.
Cette voix, sans accentuation, mais cependant parfaitement
intelligible, avait quelque chose de glace; elle semblait un echo
d'un autre monde.
-- Allez, ma mere, dit Roland; vous voyez que c'est a moi seul que
veut parler Amelie.
-- Oh! mon Dieu! murmura madame de Montrevel, resterait-il un
dernier espoir?
Si bas que ces mots eussent ete prononces, la mourante les
entendit.
-- Non, ma mere, dit-elle; Dieu a permis que je revisse mon frere;
mais, cette nuit, je serai pres de Dieu.
Madame de Montrevel poussa un gemissement profond.
-- Roland! Roland! fit-elle, ne dirait-on point qu'elle y est
deja?
Roland lui fit signe de le laisser seul; madame de Montrevel
s'eloigna avec le petit Edouard.
Roland rentra, referma la porte, et, avec une indicible emotion,
revint au chevet du lit d'Amelie.
Tout le corps etait deja en proie a ce qu'on appelle la roideur
cadaverique, le souffle eut a peine terni une glace, tant il etait
faible; les yeux seuls, demesurement ouverts, etaient fixes et
brillants, comme si tout ce qui restait d'existence dans ce corps
condamne avant l'age s'etait concentre en eux.
Roland avait entendu parler de cet etat etrange que l'on nomme
l'extase, et qui n'est rien autre chose que la catalepsie.
Il comprit qu'Amelie etait en proie a cette mort anticipee.
-- Me voila, ma soeur, dit-il; que me veux-tu?
-- Je savais que tu allais arriver, repondit la jeune fille
toujours immobile, et j'attendais.
-- Comment savais-tu que j'allais arriver? demanda Roland.
-- Je te voyais venir.
Roland frissonna.
-- Et, demanda-t-il, savais-tu pourquoi je venais?
-- Oui; aussi j'ai tant prie Dieu du fond de mon coeur, qu'il a
permis que je me levasse et que j'ecrivisse.
-- Quand cela?
-- La nuit derniere.
-- Et la lettre?
-- Elle est sous mon oreiller, prends-la et l
|