r dans la loge du
concierge du presidial, et s'elanca sur le perron donnant dans le
preau du tribunal.
Du haut de cette espece de plate-forme, les quatre jeunes gens
virent que tout espoir etait perdu.
La grille du preau etait fermee, et quatre-vingts hommes a peu
pres, tant gendarmes que dragons, etaient ranges devant cette
grille.
A la vue des quatre condamnes libres et bondissant de la loge du
Concierge sur le perron, un grand cri, cri d'etonnement et de
terreur tout a la fois, s'eleva de la foule.
En effet, leur aspect etait formidable.
Pour conserver toute la liberte de leurs mouvements, et peut-etre
aussi pour dissimuler l'epanchement du sang qui se manifeste si
vite sur une toile blanche, ils etaient nus jusqu'a la ceinture.
Un mouchoir, noue autour de leur taille, etait herisse d'armes.
Il ne leur fallut qu'un regard pour comprendre qu'ils etaient
maitres de leur vie, mais qu'ils ne l'etaient pas de leur liberte.
Au milieu des clameurs qui s'elevaient de la foule et du cliquetis
des sabres qui sortaient des fourreaux, ils confererent un
instant.
Puis, apres leur avoir serre la main, Montbar se detacha de ses
compagnons, descendit les quinze marches et s'avanca vers la
grille.
Arrive a quatre pas de cette grille, il jeta un dernier regard et
un dernier sourire a ses compagnons, salua gracieusement la foule
redevenue muette, et, s'adressant aux soldats:
-- Tres bien, messieurs les gendarmes! Tres bien, messieurs les
dragons! dit-il.
Et, introduisant dans sa bouche l'extremite du canon d'un de ses
pistolets, il se fit sauter la cervelle.
Des cris confus et presque insenses suivirent l'explosion, mais
cesserent presque aussitot; Valensolle descendit a son tour: lui
tenait simplement a la main un poignard a lame droite, aigue,
tranchante.
Ses pistolets, dont il ne paraissait pas dispose a faire usage,
etaient restes a sa ceinture.
Il s'avanca vers une espece de petit hangar supporte par trois
colonnes, s'arreta a la premiere colonne, y appuya le pommeau du
poignard, dirigea la pointe vers son coeur, prit la colonne entre
ses bras, salua une derniere fois ses amis, et serra la colonne
jusqu'a ce que la lame tout entiere eut disparu dans sa poitrine.
Il resta un instant encore debout; mais une paleur mortelle
s'etendit sur son visage, puis ses bras se detacherent, et il
tomba mort au pied de la colonne.
Cette fois la foule resta muette.
Elle etait glacee d'effroi.
C'etait
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