arlotte lui avait
revele la presence de Roland a Bourg, elle avait pressenti, comme
Morgan, que l'on approchait d'un denouement terrible. Elle
connaissait tous les details des evenements arrives a la
chartreuse de Seillon; elle voyait la lutte engagee entre son
frere et son amant, et, rassuree sur le sort de son frere, grace a
la recommandation faite par le chef des compagnons de Jehu, elle
tremblait pour la vie de son amant.
De plus, elle avait appris l'arrestation de la malle de Chambery
et la mort du chef de brigade des chasseurs de Macon; elle avait
su que son frere etait sauve, mais qu'il avait disparu.
Elle n'avait recu aucune lettre de lui.
Cette disparition et ce silence, pour elle qui connaissait Roland,
c'etait quelque chose de pis qu'une guerre ouverte et declaree.
Quant a Morgan, elle ne l'avait pas revu depuis la scene que nous
avons racontee, et dans laquelle elle avait pris l'engagement de
lui faire parvenir des armes partout ou il serait, si jamais il
etait condamne a mort.
Cette entrevue demandee par Morgan, Amelie l'attendait donc avec
autant d'impatience que celui qui la demandait.
Aussi, des qu'elle put croire que Michel et son fils etaient
couches, alluma-t-elle aux quatre fenetres les bougies qui
devaient servir de signal a Morgan.
Puis, comme le lui avait recommande son amant, elle s'enveloppa
d'un cachemire rapporte par son frere du champ de bataille des
Pyramides, et qu'il avait lui-meme deroule de la tete d'un bey tue
par lui: elle jeta par-dessus son cachemire une mante de
fourrures, laissa Charlotte pour lui donner avis de ce qui pouvait
arriver, et esperant qu'il n'arriverait rien, elle ouvrit la porte
du parc et s'achemina vers la riviere.
Dans la journee, elle avait ete deux ou trois fois jusqu'a la
Reyssouse, et en etait revenue, afin de tracer un reseau de pas
dans lesquels les pas nocturnes ne fussent point reconnus.
Elle descendit donc, sinon tranquillement, du moins hardiment, la
pente qui conduisait jusqu'a la Reyssouse; arrivee au bord de la
riviere, elle chercha des yeux la barque amarree sous les saules.
Un homme l'y attendait. C'etait Morgan.
En deux coups de rame, il arriva jusqu'a un endroit praticable a
la descente; Amelie s'elanca, il la recut dans ses bras.
La premiere chose que vit la jeune fille, ce fut le rayonnement
joyeux qui illuminait, pour ainsi dire, le visage de son amant.
-- Oh! s'ecria-t-elle, tu as quelque chose d'heureux a m'annonc
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