ger, c'etait un sauf-conduit pour le general vendeen, une
invitation de venir a Paris; un traite enfin de puissance a
puissance. Cadoudal a accepte, et doit etre a cette heure sur la
route de Paris: Il y a donc sinon paix, du moins treve.
-- Oh! quelle joie, mon Charles!
-- Ne te rejouis pas trop, mon amour.
-- Et pourquoi cela?
-- Parce que cet ordre de cesser les hostilites est venu, sais-tu
pourquoi?
-- Non.
-- Eh bien, c'est un homme tres fort que M. Fouche; il a compris
que, ne pouvant nous vaincre, il fallait nous deshonorer. Il a
organise de faux compagnons de Jehu qu'il a laches dans le Maine
et dans l'Anjou, et qui ne contentent pas, eux, de prendre
l'argent du gouvernement, mais qui pillent et detroussent les
voyageurs, qui entrent la nuit dans les chateaux et dans les
fermes, qui mettent les proprietaires de ces fermes et de ces
chateaux les pieds sur des charbons ardents, et qui leur arrachent
par des tortures le secret de l'endroit ou est cache leur argent.
Eh bien, ces hommes, ces miserables, ces bandits, ces chauffeurs,
ils prennent le meme nom que nous, et sont censes combattre pour
le meme principe; si bien que la police de M. Fouche nous met non
seulement hors la loi, mais aussi hors l'honneur.
-- Oh!
-- Voila, ce que j'avais a te dire, mon Amelie, avant de te
proposer une seconde fois de fuir ensemble. Aux yeux de la France,
aux yeux de l'etranger, aux yeux du prince meme que nous avons
servi et pour qui nous avons risque l'echafaud, nous serons dans
l'avenir, nous sommes probablement deja des miserables dignes de
l'echafaud.
-- Oui... mais, pour moi, mon bien-aime Charles, tu es l'homme
devoue, l'homme de conviction, le royaliste obstine qui a continue
de combattre quand tout le monde avait mis bas les armes; pour
moi, tu es le loyal baron de Sainte-Hermine; pour moi, si tu
l'aimes mieux, tu es le noble, le courageux et l'invincible
Morgan.
-- Ah! voila tout ce que je voulais savoir, ma bien-aimee; tu
n'hesiteras donc pas un instant, malgre le nuage infame que l'on
essaye d'elever entre nous et l'honneur, tu n'hesiteras donc pas,
je ne dirai point a te donner a moi, tu t'es deja donnee, mais a
etre ma femme?
-- Que dis-tu la? Pas un instant, pas une seconde; mais ce serait
la joie de mon etre, le bonheur de ma vie! Ta femme, je suis ta
femme devant Dieu; Dieu comblera tous mes desirs les jours ou il
permettra que je sois ta femme devant les hommes.
Morgan tomba a genou
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