t, preparait la demeure
d'un empereur futur, en placant dans la galerie des Tuileries le
buste du meurtrier de Cesar?
Aussi, personne non seulement ne l'avait cru, mais meme ne s'en
etait doute.
En allant voir si le buste faisait bien dans la galerie, Bonaparte
s'apercut des devastations commises dans le palais de Catherine de
Medicis; les Tuileries n'etaient plus la demeure des rois, c'est
vrai, mais elles etaient un palais national, et la nation ne
pouvait laisser un de ses palais dans le delabrement.
Bonaparte fit venir le citoyen Lecomte, architecte du palais, et
lui ordonna de _nettoyer _les Tuileries.
Le mot pouvait se prendre a la fois dans son acception physique et
dans son acception morale.
Un devis fut demande a l'architecte pour savoir ce que couterait
le _nettoyage._
Le devis montait a cinq cent mille francs.
Bonaparte demanda si, moyennant ce nettoyage, les Tuileries
pouvaient devenir le palais _du gouvernement._
L'architecte repondit que cette somme suffirait, non seulement
pour les remettre dans leur ancien etat, mais encore pour les
rendre habitables.
C'etait tout ce que voulait Bonaparte, un palais habitable. Avait-
il besoin, lui, republicain, du luxe de la royaute... Pour le
palais _du gouvernement, il _fallait des ornements graves et
severes, des marbres, des statues; seulement, quelles seraient ces
statues? C'etait au premier consul de les designer.
Bonaparte les choisit dans trois grands siecles et dans trois
grandes nations: chez les Grecs, chez les Romains, chez nous et
chez nos rivaux.
Chez les Grecs, il choisit Alexandre et Demosthene, le genie des
conquetes et le genie de l'eloquence.
Chez les Romains, il choisit Scipion, Ciceron, Caton, Brutus et
Cesar, placant la grande victime pres du meurtrier, presque aussi
grand qu'elle.
Dans le monde moderne, il choisit Gustave-Adolphe, Turenne, le
grand Conde, Dugay-Trouin, Marlborough, le prince Eugene et le
marechal de Saxe; enfin, le grand Frederic et Washington, c'est-a-
dire la fausse philosophie sur le trone et la vraie sagesse
fondant un Etat libre.
Puis il ajouta a ces illustrations guerrieres, Dampierre,
Dugommier et Joubert, pour prouver que, de meme que le souvenir
d'un Bourbon ne l'effrayait pas dans la personne du grand Conde,
il n'etait point envieux de la gloire de trois freres d'armes
victimes d'une cause qui, d'ailleurs, n'etait deja plus la sienne.
Les choses en etaient la a l'epoque ou nous somme
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