ville.
-- Justement.
-- Fichtre! fit le postillon, vous n'etes pas a plaindre, notre
bourgeois; un joli brin de fille! A la sante de la belle Josephine
Lollier!
Et il avala son cinquieme verre de Bourgogne.
-- Eh bien, maintenant, demanda Montbar, comprends-tu pourquoi je
t'ai fait monter, mon garcon?
-- Non; mais je ne vous en veux pas tout de meme.
-- C'est bien gentil de ta part.
-- Oh! moi, je suis bon diable.
-- Eh bien, je vais te le dire, pourquoi je t'ai fait monter.
-- Je suis tout oreilles.
-- Attends! Je crois que tu entendras encore mieux si ton verre
est plein que s'il est vide.
-- Est-ce que vous avez ete medecin des sourds, vous, par hasard?
demanda le postillon en goguenardant.
-- Non; mais j'ai beaucoup vecu avec les ivrognes, repondit
Montbar en remplissant de nouveau le verre d'Antoine.
-- On n'est pas ivrogne parce qu'on aime le vin, dit Antoine.
-- Je suis de ton avis, mon brave, repliqua Montbar; on n'est
ivrogne que quand on ne sait pas le porter.
-- Bien dit! fit Antoine, qui paraissait porter le sien a
merveille; j'ecoute.
-- Tu m'as dit que tu ne comprenais pas pourquoi je t'avais fait
monter?
-- Je l'ai dit.
-- Cependant, tu dois bien te douter que j'avais un but?
-- Tout homme en a un, bon ou mauvais, a ce que pretend notre
cure, dit sentencieusement Antoine.
-- Eh bien, le mien, mon ami, reprit Montbar, est de penetrer la
nuit, sans etre reconnu, dans la cour de maitre Nicolas Denis
Lollier, maitre de poste de Belleville.
-- A Belleville, repeta Antoine, qui suivait les paroles de
Montbar avec toute l'attention dont il etait capable; je
comprends. Et vous voulez penetrer, sans etre reconnu, dans la
cour de maitre Nicolas Denis Lollier, maitre de poste a
Belleville, pour voir a votre aise la belle Josephine? Ah! mon
gaillard!
-- Tu y es, mon cher Antoine; et je veux y penetrer sans etre
reconnu, parce que le pere Lollier a tout decouvert, et qu'il a
defendu a sa fille de me recevoir.
-- Voyez-vous!... Et que puis-je a cela, moi?
-- Tu as encore les idees obscures, Antoine; bois ce verre de vin-
la pour les eclaircir.
-- Vous avez raison, fit Antoine.
Et il avala son sixieme verre de vin.
-- Ce que tu y peux, Antoine?
-- Oui, qu'est-ce que j'y peux? Voila ce que je demande.
-- Tu y peux tout, mon ami.
-- Moi?
-- Toi.
-- Ah! je serais curieux de savoir cela: eclaircissez,
eclaircissez.
Et il tendit son verre.
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