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nous font les Anglais; que cet esprit de desordre dont ils
parlent, et qui n'est, a tout prendre, que les ecarts de la
liberte trop longtemps comprimee, il fallait l'enfermer dans la
France meme par une paix universelle; que cette paix etait le seul
cordon sanitaire qui put l'empecher de franchir nos frontieres;
qu'en allumant en France le volcan de la guerre, la France, comme
une lave, va se repandre sur l'etranger... L'Italie est delivree,
dit le roi d'Angleterre; mais delivree de qui? De ses liberateurs!
L'Italie est delivree, mais pourquoi? Parce que je conquerais
l'Egypte, du Delta a la troisieme cataracte; l'Italie est
delivree, parce que je n'etais pas en Italie... Mais me voila:
dans un mois, je puis y etre, en Italie, et, pour la reconquerir
des Alpes a l'Adriatique, que me faut-il? Une bataille. Que
croyez-vous que fasse Massena en defendant Genes? Il m'attend...
Ah! les souverains de l'Europe ont besoin de la guerre pour
assurer leur couronne! eh bien, milord, c'est moi qui vous le dis,
je secouerai si bien l'Europe, que la couronne leur en tremblera
au front. Ils ont besoin de la guerre? Attendez... Bourrienne!
Bourrienne!
La porte de communication du cabinet du premier consul avec le
cabinet du premier secretaire s'ouvrit precipitamment, et
Bourrienne parut, le visage aussi effare que s'il eut cru que
Bonaparte appelait au secours.
Il vit celui-ci fort anime, froissant la note diplomatique d'une
main et frappant de l'autre sur le bureau, et lord Tanlay calme,
debout et muet a trois pas de lui.
Il comprit tout de suite que c'etait la reponse de l'Angleterre
qui irritait le premier consul.
-- Vous m'avez appele, general? dit-il.
-- Oui, fit le premier consul; mettez vous la et ecrivez.
Et, d'une voix breve et saccadee, sans chercher les mots, mais, au
contraire, comme si les mots se pressaient aux portes de son
esprit, il dicta la proclamation suivante:
"Soldats!
"En promettant la paix au peuple francais, j'ai ete votre organe;
je connais votre valeur.
"Vous etes les memes hommes qui conquirent le Rhin, la Hollande,
l'Italie, et qui donnerent la paix sous les murs de Vienne
etonnee.
"Soldats! ce ne sont plus vos frontieres qu'il faut defendre, ce
sont les Etats ennemis qu'il faut envahir.
"Soldats! lorsqu'il en sera temps, je serai au milieu de vous, et
l'Europe etonnee se souviendra que vous etes de la race des
braves!"
Bourrienne leva la tete, attendant, apres ces dern
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