sul a repondu que cela ne le regardait
pas, que nous etions des brigands, et que c'etaient nous qui, avec
nos brigandages, soutenions la guerre de la Vendee; que le jour ou
nous ne ferions plus passer d'argent en Bretagne, il n'y aurait
plus de Chouannerie.
-- Cela me parait admirablement raisonne.
-- Que c'etait dans l'Est et dans le Midi qu'il fallait frapper
l'Ouest.
-- Comme l'Angleterre dans l'Inde.
-- Qu'en consequence, il donnait carte blanche au citoyen Fouche,
et que, dut-il depenser un million et faire tuer cinq cents
hommes, il lui fallait nos tetes.
-- Eh bien, mais il sait a qui il les demande; reste a, savoir si
nous les laisserons prendre.
-- Alors, le citoyen Fouche est rentre furieux, et il a declare
qu'il fallait, qu'avant huit jours, il n'existat plus en France un
seul compagnon de Jehu.
-- Le delai est court.
-- Le meme jour, des courriers sont partis pour Lyon, pour Macon,
pour Lons-le-Saulnier, pour Besancon et pour Geneve, avec ordre
aux chefs des garnisons de faire personnellement tout ce qu'ils
pourraient pour arriver a notre destruction, mais, en outre,
d'obeir sans replique a M. Roland de Montrevel, aide de camp du
premier consul, et de mettre a sa disposition, pour en user comme
bon lui semblerait, toutes les troupes dont il pourrait avoir
besoin.
-- Et je puis ajouter ceci, dit Morgan, que M. Roland de Montrevel
est deja en campagne; hier, il a eu, a la prison de Bourg, une
conference avec le capitaine de gendarmerie.
-- Sait-on dans quel but? demanda une voix.
-- Pardieu! dit un autre, pour y retenir nos logements.
-- Maintenant le sauvegarderas-tu toujours? demanda d'Assas.
-- Plus que jamais.
-- Ah! c'est trop fort, murmura une voix.
-- Pourquoi cela? repliqua Morgan d'un ton imperieux; n'est-ce pas
mon droit de simple compagnon?
-- Certainement, dirent deux autres voix.
-- Eh bien, j'en use, et comme simple compagnon, et comme votre
capitaine.
-- Si cependant, au milieu de la melee, une balle s'egare! dit une
voix.
-- Alors, ce n'est pas un droit que je reclame, ce n'est pas un
ordre que je donne, c'est une priere que je fais; mes amis,
promettez-moi, sur l'honneur, que la vie de Roland de Montrevel
vous sera sacree.
D'une voix unanime, tous ceux qui etaient la repondirent en
etendant la main
-- Sur l'honneur, nous le jurons!
-- Maintenant, reprit Morgan, il s'agit d'envisager notre position
sous son veritable point de vue, de ne pas
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