h bien, dites-lui...
Mais, s'interrompant et se retournant vers Bourrienne:
-- Bourrienne, dit-il, cherchez-moi la derniere lettre de
l'empereur de Russie.
Bourrienne ouvrit un carton, et, sans chercher, mit la main sur
une lettre qu'il donna a Bonaparte.
Bonaparte jeta un coup d'oeil sur la lettre, et, la presentant a
lord Tanlay:
-- Dites-lui, reprit-il, d'abord et avant toute chose que vous
avez lu cette lettre.
Sir John s'inclina et lut:
"Citoyen premier consul,
"J'ai recu, armes et habilles a neuf, chacun avec l'uniforme de
son corps, les neuf mille Russes faits prisonniers en Hollande, et
que vous m'avez envoyes sans rancon, sans echange, sans condition
aucune.
"C'est de la pure chevalerie, et j'ai la pretention d'etre un
chevalier.
"Je crois que ce que je puis vous offrir de mieux, citoyen premier
consul, en echange de ce magnifique cadeau, c'est mon amitie.
"La voulez-vous?
"Comme arrhes de cette amitie, j'envoie ses passeports a lord
Whitworth, ambassadeur d'Angleterre a Saint-Petersbourg.
"En outre, si vous voulez etre, je ne dirai pas meme mon second,
mais mon temoin, je provoque en duel personnel et particulier tous
les rois qui ne prendront point parti contre l'Angleterre et qui
ne lui fermeront pas leurs ports.
"Je commence par mon voisin, le roi du Danemark, et vous pouvez
lire, dans la _Gazette de _la Cour, le cartel que je lui envoie.
"Ai-je encore autre chose a vous dire?
"Non.
"Si ce n'est qu'a nous deux nous pouvons faire la loi au monde.
"Et puis encore que je suis votre admirateur et sincere ami.
"PAUL."
Lord Tanlay se retourna vers le premier consul.
-- Vous savez que l'empereur de Russie est fou, dit-il.
-- Serait-ce cette lettre qui vous l'apprendrait, milord? demanda
Bonaparte.
-- Non; mais elle me confirme dans mon opinion.
-- C'est d'un fou que Henri VI de Lancastre a recu la couronne de
saint Louis, et le blason d'Angleterre -- jusqu'au moment ou je
les y gratterai avec mon epee -- porte encore les fleurs de lis de
France.
Sir John sourit; son orgueil national se revoltait a cette
pretention du vainqueur des Pyramides.
-- Mais, reprit Bonaparte, il n'est point question de cela
aujourd'hui, et chaque chose viendra en son temps.
-- Oui, murmura sir John, nous sommes encore trop pres d'Aboukir.
-- Oh! ce n'est pas sur mer que je vous battrai, dit Bonaparte: il
me faudrait cinquante ans pour faire de la France une nation
mariti
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